Jean-Luc Nancy dialogue avec Maurice Blanchot sur le fil historique du communisme et d'un fondement théologique inavouable de la communauté comme étant d'emblée humaine et politique. Y a-t-il entre communisme et communion une déconstruction possible du « commun » qui restitue le tragique ? Trois interlocuteurs l'interrogent ici dans cette configuration, où c'est la « déconstruction du christianisme » qui opère l'autocritique de la modernité.
Quant à Sarah Kofman, elle traverse le texte-Blanchot, sa pensée de l'écriture et de l'« absolu » de l'histoire, pour renverser tout recours à la parole et à l'écrit « après Auschwitz ». A l'épreuve d'un avers terrible, l'intellectuel n'est alors plus qu'un témoin contraint, juste capable de tenir parole, pour l'autre et à la façon d'une promesse assignée au passé. Peut-on renverser cette assignation, comment et pour quoi ?
Ce livre arpente ces deux dialogues, disparates sur fond de proximité. Et c'est d'un différend qu'il s'agit, significatif de la fragilité de la pensée aux prises avec le destin et la nécessité, avec l'indépassable particularité des situations historiques aussi.
Sans théoriser, mais sans renoncer à la rigueur (philosophique !), les interrogations du livre arpentent l'autoréflexion culturelle de sociétés marquées par une perte de la modernité - celle d'une expérience de la liberté et du temps -, perte célébrée ou refusée, mais qui insiste. Le livre tente d'inverser le rapport contemporain des sociétés à elles-mêmes, frappé de présentisme, de logorrhée médiatique et d'explosion des sphères d'opinions publiques.
Ont participé à cet ouvrage :
Olivier Abel, Pierre Gisel, Ginette Michaud, Jean-Luc Nancy, Hannes Opelz, Tommaso Tuppini et Isabelle Ullern.
Isabelle Ullern : Penser en commun ? Un « rapport sans?rapport ».
1. Penser en commun ? De la forme dynamique?que la question réclame.
2. In-coïncidence native.
3. La double rencontre : avec Jean-Luc Nancy,?et avec la voix oubliée de Sarah Kofman.
4. Polymorphie du « penser en commun ».?Entre forme, économie, qualité.
PREMIER ACTE : ENTRE MYTHE ET POLITIQUE.?LA DÉCONSTRUCTION?DE LA « COMMUNAUTÉ ».
Hannes Opelz : La précipitation du désastre. Maurice?Blanchot et la figure de Luther.
1. La protestation de l'écriture.
2. « Se tenir à hauteur de mort ».
3. L'absence d'oeuvre.
4. Résurrection de la figure.
5. Dernier constat.
Réponse de Jean-Luc Nancy et dialogue : « Ici, je me tiens courbé ».
Entre écriture et politique, les stances de la figure intellectuelle.
Tommaso Tuppini : La tragédie qui reste.
Le paradigme de la communauté tragique chez Georges Bataille et Jean-Luc Nancy.
1. La tragédie réprimée par la philosophie et la démocratie.
2. Bataille : retrouver la tragédie, mais comment, où et pour quelle disposition ?
3. Nancy : l'exposition des singularités au monde de l'être-avec, ou ce qui reste du tragique.
Réponse de Jean-Luc Nancy et dialogue : La tragédie d'une « communication » de borborygmes et de silences, inaccessible à la comédie du concept.
Se tenir dans la nécessité de vivre en commun, de dire et de penser.
Pierre Gisel : De la communauté au commun. Ce qui est à déconstruire d'une provenance chrétienne.
1. D'où j'entre ici en dialogue et débat.
2. Retour sur le politique.
3. Décaler et déconstruire.
4. S'ouvrir à un autre « régime de sens », non viser un « projet » alternatif.
5. Déconstruction du système de la médiation en christianisme.
6. Du politique, du civil et du religieux.
Réponse de Jean-Luc Nancy : Et pourtant, nous nous disons toujours quelque chose.
Lettre-réponse à Pierre Gisel.
DÉPLACEMENT : « UN RAPPORT SANS RAPPORT ».
Isabelle Ullern : « Penser en commun ? » Une scène?polymorphe selon Sarah Kofman.
1. « Penser en commun ? » À la condition de l'hospitalité, le partage des voix.
2. La scène philosophique selon le philosopher kofmanien : une construction, un jeu d'enfant, un souvenir d'enfance.
3. L'économie tragique de la scène philosophique.
4. Quelle esthétique construit cette apposition chargée d'affect et de réflexivité comme scène philosophique et incluant le lecteur qui vient l'investir ?
Réponse de Jean-Luc Nancy et dialogue : « Au coeur?de la vie » ? Philosopher sur le vif avec Sarah Kofman.
Reprise avec Jean-Luc Nancy (modération Olivier Abel) : Contemporain à contretemps. Entre différend et proximité.
DEUXIÈME ACTE : LA VOIX INATTENDUE/IN-ENTENDUE DE SARAH KOFMANN DANS LA CONVERSATION AVEC BLANCHOT.
Isabelle Ullern : La voix oubliée de Sarah Kofman sur la scène philosophique des lectures de Blanchot.
Ginette Michaud : « Traiter de l'intraitable ». Remarques sur la pensée de l'esthétique de Sarah Kofman dans Mélancolie de l'art.
1. De la bordure entre oeuvre et vie.
2. De la « survie » à la « survivance ».
3. Au commencement, l'art, ...et en terminaison, l'art encore.
4. D'un « reste » non relevable.
5. D'un usage des citations, ou d'une répétition exposée.
6. Quelle conjuration de l'angoisse.
7. Post-scriptum : de quelques « restes » non relevés.
Isabelle Ullern : Dire sous la contrainte/Lire vers la liberté. La difficile leçon sur le sublime de Sarah Kofman (ou le recours à Blanchot comme à un texte-passeur).
1. Réponse à la question « Comment lire en philosophie le témoignage qui en dit l'altération irréversible ? » 2. Blanchot-Antelme, textes-passeurs. Où force la contrainte : perte de l'expérience, non expérience, expérience-limite, travail de l'expérience.
Ex-cursus. À propos de l'expérience - philosophie, psychanalyse et trauma historique.
3. Blanchot dans le texte kofmanien. Entre rire et suffocation, conjurer la panique et la fascination.
4. Lire vers la liberté ? Avec note d'Isabelle Ullern : Carte à Sarah Kofman, de Maurice Blanchot.
Index nominum.
Présentation des auteurs et dialoguants.