La dialectique guerre-révolution marque, du début jusqu'à la fin, la perception du conflit et de ses enjeux par l'armée française. Jusqu'en novembre 1942, par delà les divergences sur l'évaluation du risque d'insurrection communiste en France et sur la nature des liens entre Allemagne et URSS, un clivage constant, plus ou moins accentué selon les périodes, divise l'institution militaire entre les partisans d'une guerre contre le communisme et ceux qui estiment que l'Allemagne doit demeurer notre seul ennemi. A partir de l'automne 1942, la question du communisme change d'échelle : d'abord, avec l'affirmation évidente de la puissance militaire soviétique ; ensuite, avec la perspective d'une insurrection nationale coordonnée avec les armées alliées pour la libération du pays. Aussi, devenant en 1943 le principal acteur français dans la guerre, le général de Gaulle impose le principe d'une double alliance, l'une avec l'URSS, l'autre avec le PCF. En conséquence, l'armée régulière réunifiée et les officiers résistants de métropole vont, peu ou prou, jouer un rôle clé dans la mise en oeuvre de cette politique qui introduit une césure dans la culture contre-révolutionnaire de l'armée française.
L'ouvrage exploite des sources inédites: les archives du contre-espionnage (fonds restitués par la Russie); les documents militaires de la période de Vichy conservés dans les archives des Affaires étrangères; les carnets du général Petit, chef de la mission militaire à Moscou à partir de mars 1942 ; les archives de la direction du PCF en France (1943-1944).
Dès janvier 1957, après la crise de Suez, Macmillan donne toute priorité à la refondation de la relation spéciale anglo-américaine. A l'inverse, en juin 1958, de Gaulle revient au pouvoir avec l'ambition de pratiquer une politique étrangère fondée sur l'indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. La volonté gaullienne de faire émerger une autonomie européenne entre ainsi en opposition avec la politique britannique, visant à maximiser son influence au sein de l'Alliance atlantique. Le heurt entre ces deux orientations, d'abord latent, débouche sur un schisme politico-stratégique entre Paris et Londres que de Gaulle choisit de proclamer publiquement le 14 janvier 1963 : il exprime alors son refus de l'entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne et de l'offre anglo-américaine de partenariat nucléaire.
Quel rôle la relation franco-britannique a-t-elle joué à une époque cruciale pour la constitution de l'architecture de sécurité euro-atlantique, dans un monde dominé par la guerre froide ? En croisant les perspectives européenne, transatlantique et Est-Ouest, cette étude permet de mieux comprendre certaines tendances, inscrites dans la longue durée, de la politique étrangère de la France et de la Grande-Bretagne, ces deux pays représentant depuis lors des positions extrêmes dans le débat opposant atlantistes et partisans de l'Europe européenne.
Cette enquête apparaît aujourd'hui d'autant plus nécessaire dans un monde bouleversé par le Brexit, les incertitudes américaines et le retour de la guerre en Europe.
0rphelin de père à 14 ans, originaire de Coulommiers dans le pays de la Brie, le jeune conscrit Maurice Gastellier passe cinq ans et six mois de sa jeunesse en tant que simple fantassin de deuxième classe. Incorporé au 76e RI de Coulommiers, à l'âge de 19 ans en octobre 1913, il est affecté en 1916, au 19e RI de Brest et démobilisé en avril 1919.
Blessé par quatre fois, gazé, il a été de tous les combats : la bataille des frontières en août 1914, l'Argonne et Vauquois en 1915, la guerre des mines à Berry-au-Bac et Verdun en 1916, et le Chemin des Dames en 1917. Il participe à l'épisode méconnu des soldats russes mutinés au camp de la Courtine en Creuse en septembre 1917, puis retourne sur le Chemin des Dames au printemps 1918, dans le secteur de l'Harmannswillerskopf en Alsace, dans la Somme, sur le front de Champagne et dans le passage de la Meuse, le 10 novembre 1918.
La correspondance assidue des quelque 600 lettres, une tous les deux jours et demi, confrontée aux journaux des marches et opérations des 76e et 19e RI a permis de reconstituer la vie du fantassin d'active au jour le jour. Pour celui qui fût l'un de ces combattants les plus exposés dans la Grande Guerre, cette écriture singulière est une nécessité et un lien avec ceux qui sont restés au pays du Theil et de Coulommiers.
Le paysan-soldat laisse au pays sa mère, seule à la ferme avec son frère cadet, un ouvrier, et le cheval Bijou pour les travaux des champs. Ecrivant dans un français oral teinté de patois briard, il témoigne avec humilité, de son expérience dans la boue des tranchées. Il exprime son attachement ténu aux siens et au territoire de la Brie, se préoccupant du déroulement des travaux et de la gestion de la ferme familiale au fil des saisons.
Au carrefour de l'histoire et de la sociologie des migrations, il s'agit ici de comprendre les « carrières migratoires » des Kurdes, de leur départ de Turquie à leur arrivée en France et en Belgique. Ces hommes et ces femmes ont emprunté des routes migratoires et intégré des réseaux variés afin de traverser des frontières terrestres, maritimes, aériennes mais également administratives et linguistiques. Leurs circulations migratoires se sont formées à partir de filières régionales qui se sont stabilisées dans les territoires d'accueil grâce à des solidarités multiples révélant des interactions entre les Kurdes et ceux qui les entourent. Ces recompositions territoriales entre les différentes générations de Kurdes ont favorisé la création d'associations qui maintiennent des repères collectifs en situation d'exil et rendent visible le conflit turco-kurde.
Entre 1871 et 1914, la marine militaire française doit s'adapter aux mutations technologiques qui transforment la guerre sur mer alors que le régime parlementaire de la Troisième République s'affirme. Si l'inexpérience des parlementaires en matière navale limite d'abord leur contrôle sur les affaires de la Marine, les compétences grandissantes des élus et l'organisation progressive de leur travail imposent une influence croissante du Parlement sur la marine de guerre. Les parlementaires qui s'intéressent à la Marine sont d'autant plus nombreux que les débats autour des théories la Jeune Ecole attirent l'attention de l'opinion publique. Faut-il une flotte de cuirassés ou de petites unités rapides ? De plus, l'évolution des navires nécessite l'aménagement des ports et la réorganisation des personnels de la Marine. Ces changements mobilisent des intérêts financiers, humains et matériels et doivent permettre à la France de maintenir une flotte influente. A travers l'étude des travaux parlementaires, cet ouvrage tente d'identifier les influences contradictoires s'exerçant sur la politique navale du pays. La défense des intérêts locaux et particuliers est le fait de véritables groupes de pression. De cette façon, ce travail met en avant l'ensemble des influences démocratiques s'exerçant sur la Marine entre 1871 et 1914.
Publié avec le soutien de l'université Bretagne sud.
Michel de Certeau (1925-1986) est surtout connu pour avoir contribué à profondément renouveler l'historiographie (Écrire l'histoire, 1975) et entièrement revu le passage du Moyen Âge à l'époque moderne à travers le mysticisme (La Fable mystique, 1982 et 2013). Mais c'était aussi un penseur proche de Foucault, Barthes et Lacan, notamment, qui fut très attentif à son époque - en particulier aux événements de mai 1968, qui constituèrent à ses yeux une "prise de parole" absolument inédite.
Mais qui était Michel de Certeau "avant" le Certeau historien voyageant entre science et fiction ? Quels sont, dans les années 1950, les apprentissages de ce jeune jésuite ? Comment est-il entré en écriture ? Aucune enquête aussi minutieuse n'avait été menée jusqu'à présent. Et l'édition de précieux textes inédits complète cet essai passionnant sur l'un des plus grands penseurs en sciences humaines et sociales du XXe siècle.
Terre de mélanges culturels et de politiques coloniales, la Tunisie a attiré de l'Europe des courants d'immigrations aussi bien que des visées impérialistes. La trajectoire des Juifs italiens, dits Livournais, s'inscrit au carrefour de ces axes. Une communauté enracinée en Tunisie depuis le XVIIe, mais toujours assimilée au monde européen. Une population cosmopolite, mais jalousement attachée à Livourne et à l'Italie. Une double minorité, à l'égard tant de la nombreuse population juive locale que des cent mille émigrés italiens vivant en Tunisie au début du XXe siècle : mais toujours caractérisée par une forte identité collective.
Pendant l'entre-deux-guerres, la place sociale de cette communauté fut remise en cause par une série de phénomènes convergents : l'essor du nationalisme tunisien, les tensions diplomatiques italo-françaises, et surtout par la montée au pouvoir du régime fasciste, résolu à encadrer les communautés d'émigration dans sa politique impériale.
Sur la base de fonds d'archive et de témoignages inédits, ce travail reconstruit le parcours des Juifs italiens de Tunisie face aux stratégies de fascisation de Rome, en interrogeant les croisements identitaires dans les contextes d'émigration, la question de l'adhésion de masse au totalitarisme, et le poids des médiateurs au sein des sociétés coloniales.
En 1721, le premier plant de café des Antilles est introduit en Martinique. Très vite, sa culture se répand et se développe sur le territoire dans un contexte économique basé sur l'exploitation d'une main-d'oeuvre esclavisée. C'est cette population caféière esclave ou libre de la Martinique aux XVIIIe et XIXe siècles que révèle ce livre. Si les anciennes colonies françaises de la Caraïbe avaient été jusqu'ici perçues comme des îles à sucre où les structures sociales opposaient verticalement le Blanc au Noir, l'ouvrage donne à voir une organisation sociale bien plus riche et complexe. Il renouvelle ainsi le concept de société d'habitation à travers la mise en perspective d'un milieu social resté jusque-là bien trop inaperçu.
De la Libération au début des années 2000, la Bretagne historique a connu de profondes transformations économiques, sociales, religieuses et culturelles. L'ouvrage analyse les mutations politiques d'une région qui, de dominée par les droites et les centres sous la IVe et au début de la Ve République, est passée à gauche dans les années 1980-2000 devenant jusqu'en 2017 un bastion du Parti socialiste.
Ces évolutions s'inscrivent dans le temps des guerres coloniales (Indochine, Algérie) et des crises (1958, 1968) et dans le champ des recompositions et de l'histoire des forces politiques (du gaullisme et des droites, de la démocratie chrétienne et du radicalisme, des socialismes et du communisme). Une attention particulière est portée aux enjeux électoraux nationaux (présidentiels et législatifs) et locaux (départementaux et municipaux) en mettant l'accent sur l'itinéraire, la carrière, les évolutions partisanes des élus à tous les niveaux de la vie publique. Pendant ce demi-siècle, la Bretagne a fourni des hommes et quelques femmes à plusieurs gouvernements. Mais l'action des militants n'est pas oubliée, ni celle des partis et des forces minoritaires (extrême gauche, mouvement breton, extrême droite).
Au XIXe siècle, les abolitions progressives de la traite et de l'esclavage dans les colonies européennes sont à l'origine de nouvelles migrations de travailleurs dans le monde. Pour satisfaire les besoins de leur économie coloniale, les Européens - principalement les Anglais, les Français, les Portugais et les Néerlandais - font appel à des travailleurs étrangers libres sous contrat d'engagement. C'est ce que l'on appelle le système de l'engagisme. En comparaison à l'historiographie importante consacrée à la traite ou à l'esclavage, l'histoire de l'engagisme reste peu étudiée dans son ensemble. Pourtant son importance est capitale au regard de l'histoire coloniale européenne et de la construction identitaire des anciens territoires coloniaux, des pays d'origine des engagés, de l'Europe ultra-marine et même de l'Europe « en soi ».
L'entrée en guerre des États-Unis le 6 avril 1917 marque un tournant dans l'histoire du conflit. L'arrivée des premières troupes américaines à Saint-Nazaire le 26 juin est le prélude au transfert en Europe de plus de deux millions de soldats, accompagnés de nombreux civils. Au-delà du poids politique et militaire de cette intervention, toujours discuté, ses apports culturels ont provoqué des bouleversements profonds qui ont durablement affecté les sociétés européennes. Quelle sont l'ampleur de ce phénomène, sa temporalité, ses modalités, ses acteurs, sa place dans le processus d'américanisation de l'Europe au XXe siècle ? Les différentes échelles d'analyse, continentale, nationale et locale (Nantes et Saint-Nazaire) permettent de rendre compte des diverses formes d'échanges et de transferts, y compris lors de la Conférence de la paix. Une image très positive de l'Amérique se déploie alors dans toute l'Europe, symbolisant l'espoir d'un monde nouveau. Mais au-delà de l'émotion populaire bien réelle qu'elle suscite, la présence américaine, massive mais finalement brève et souvent superficielle, provoque également des rejets et laisse, dans la région de l'Ouest, des traces éphémères. Elle renforce toutefois incontestablement l'intensité des relations transatlantiques et marque une nouvelle phase dans l'émergence d'un monde globalisé.
Le parcours de Félicité Lamennais a fasciné ses contemporains, et n'a cessé de fasciner depuis sa mort, comme le prouve la production ininterrompue de travaux à son sujet. Successivement, théoricien d'un catholicisme contre-révolutionnaire, inventeur du catholicisme libéral et promoteur d'une République sociale chrétienne, il semble être passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel idéologique et croyant de son temps. Le présent ouvrage s'efforce de dégager cette figure des interprétations polémiques et des passions, et entend restituer la continuité de sa pensée en dépit de la spectaculaire versatilité qui a nourri sa légende. Cette biographie de Lamennais est aussi une radiographie de son époque, et requiert de tenir compte de la réception de ses oeuvres dans toutes les nuances de l'opinion, en France et en Europe. Si Lamennais n'a pas fait école, c'est parce que son indépendance d'esprit radicale a empêché de s'en revendiquer sans nuances. Et pourtant, son nom a toujours resurgi lors des tensions ou des reconfigurations politico-religieuses, quand il s'agissait de repenser l'articulation du fait croyant avec les libertés modernes et l'exercice de la démocratie.
Donald Reid retrace ici l'histoire des luttes menées par les salarié(e)s de l'usine Lip de Besançon, qui ont marqué la France des années 1970 et servi de point de référence à de nombreux autres mouvements de lutte collective. L'affaire Lip est replacée dans le contexte des "années 1968", mettant en évidence la place centrale de cette collectivité de travailleurs dans les combats du monde ouvrier en France, entre la fin des "Trente glorieuses" de l'après-guerre et l'émergence du néo-libéralisme dans les années 1980.
Lip, qui a incarné concrètement pour la première fois en France l'idéologie de l'autogestion, reste aujourd'hui dans les mémoires comme un événement emblématique des années 1968, mais l'affaire Lip fut aussi le précurseur de bien des réactions actuelles aux décisions touchant à la vie des travailleurs à l'heure de la mondialisation et du capitalisme des marchés.
S'appuyant sur de nombreuses sources, dont beaucoup inédites, l'auteur rend compte de tous les aspects de cette "expérience Lip" : pratiques syndicales, enjeux idéologiques, rapports complexes à l'autogestion, au concept d'entreprise ; relations du mouvement à l'État, au patronat, aux centrales syndicales nationales, aux soutiens extérieurs (intellectuels, groupes d'extrême gauche, monde de la culture) ; place des femmes et groupes féministes. Par l'ampleur du champ couvert, l'ouvrage offre le tableau détaillé d'un moment crucial de l'évolution du monde ouvrier et de sa tentative de proposer une alternative au système capitaliste.
Le programme de réarmement initié par le général de Gaulle en France, durant l'automne de 1944, demeure un sujet peu exploré, relégué dans l'ombre de l'amalgame des Forces françaises de l'intérieur au sein de la 1re armée française. Le gouvernement provisoire a vainement tenté d'obtenir en métropole un soutien américain similaire à celui intervenu pour l'équipement de huit divisions en Afrique du Nord en 1943-1944. Sous l'angle des seules livraisons de matériel allié, l'échec fut patent. Pourtant, au-delà de ce constat, la France a mis sur pied dix nouvelles divisions en métropole avant le 8 mai 1945, dont sept engagées au combat. Le gouvernement français ne s'est pas cantonné au seul levier américainu2009; il a emprunté des voies alternatives, en s'appuyant notamment sur des initiatives portées par des cadres issus de la Résistance. C'est à cet épisode singulier de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale que s'attache ce livre.
De 1879 à 1898, la Troisième République traverse une période mouvementée faite de crises, de tensions, de divisions du parti républicain et d'essor du nationalisme. Dans ce contexte, les républicains modérés se trouvent au coeur des événements, permettant l'émergence et les premiers pas de la République des républicains, contribuant à donner au régime, certains de ses traits les plus marquants et les plus durables. Cependant, si les événements nationaux et les débats à l'Assemblée ou dans les grands quotidiens parisiens sont bien connus, l'évolution et les recompositions du courant républicain modéré en province demeurent peu étudiées.
Dans ce département particulier qu'est celui des Alpes-Maritimes, cas original de modérantisme méridional, ce livre analyse les partis, les pratiques et les différentes structures politiques afin de montrer comment le républicanisme modéré se transforme, se recompose et parvient à surmonter ses difficultés et ses remises en causes, tout en demeurant attaché aux valeurs libérales de 1789. Au-delà d'un modèle unique et parfois fantasmé, le cas des Alpes-Maritimes montre ainsi la souplesse, la capacité d'adaptation et la diversité du régime républicain.
Le "virage à gauche" de l'Amérique latine a suscité un intérêt à la fois politique et académique. Aujourd'hui, le reflux - voire la fin - de ces gouvernements progressistes est réel. Cet ouvrage nous propose un bilan critique de ces expériences, essentiellement pour la période 1998-2018. Au niveau géopolitique, la tutelle étasunienne a été bousculée et la Chine est montée en puissance. Les politiques économiques ont permis une redistribution vers les plus pauvres et ont été aussi profondément marquées par la dépendance aux matières premières et à diverses formes d'extractivisme.
L'analyse des mouvements sociaux dans les quartiers, les syndicats ou le champ de l'éducation vient éclairer les mutations en cours. L'étude des caractéristiques communes de l'évolution de la politique latino-américaine est complétée par une analyse des conjonctures spécifiques : du géant brésilien où les ultra-conservateurs connaissent une dynamique fulgurante à la crise vénézuélienne dont il est difficile d'entrevoir une issue, en passant par la répression menée par Daniel Ortega au Nicaragua, la coalition sociale-démocrate longtemps au pouvoir en Uruguay ou encore la présidence d'Evo Morales en Bolivie.
L'ouvrage réunit les contributions des meilleurs spécialistes de la région, articulées avec les enquêtes de terrain de jeunes chercheurs, pour proposer une compréhension globale des deux dernières décennies en Amérique latine, au-delà des clichés dont elle est souvent victime.
Comment comprendre la politisation des violences sexistes et leur perpétuation dans un environnement institutionnel en apparence favorable à leur sanction ? Ce livre retrace la construction en enjeu public des violences contre les femmes au Nicaragua, et la façon dont ce phénomène traverse historiquement trois régimes politiques (de la fin de la dictature des Somoza à l'essai d'instauration démocratique) et une guerre civile en période de guerre froide. Cet enjeu a été consubstantiel au façonnement du féminisme nicaraguayen de la deuxième vague, en collusion et en collision avec les dirigeants révolutionnaires sandinistes. Puis, il s'est inscrit dans une nouvelle acception des droits humains. L'investissement de ce langage juridique a engendré une production contradictoire du droit, où ont fini par se côtoyer la pénalisation des violences intrafamiliales et sexuelles, et l'interdiction totale de l'avortement. Enfin, ces processus ont paradoxalement contribué au reflux d'une expression latente sur les crimes sexistes perpétrés sur les fronts guerriers.
Cet ouvrage permet de relire l'histoire nicaraguayenne contemporaine à l'aune du genre. Il apporte un regard neuf sur l'imbrication des pactes patriarcaux et de pouvoir dans l'entretien des violences sexistes. Il fournit des éléments de compréhension plus généraux sur la façon dont les politiques contre ces violences sont menées dans une sorte de dissociation instrumentale entre l'objet fédérateur qu'elles représentent, et l'étouffement de controverses plus souterraines qu'elles engendrent à propos de l'impunité masculine.
En dépit de la sécularisation des sociétés occidentales, le Vatican, centre du catholicisme, exerce une fascination certaine : l'ampleur de son patrimoine artistique attire des multitudes de touristes, les papes - sur la place Saint-Pierre ou en voyage - déplacent les foules pèlerines, les conclaves, avec leur cérémonial centenaire, provoquent des afflux de journalistes du monde entier qui se livrent à de complexes paris sur les "papabili". Au-delà de ce folklore attractif et vendeur, si le Vatican apparaît comme un acteur non négligeable du monde contemporain, c'est grâce à son activité internationale, régulièrement sensible dans l'actualité. Enracinée dans une histoire plusieurs fois centenaire, la diplomatie vaticane à la période contemporaine reste paradoxalement rarement prise en compte par l'histoire internationale.
En effet, les importants renouvellements de ce champ de recherche depuis une quarantaine d'années, permis par les ouvertures successives des fonds de pontificats de plus en plus récents, sont peu diffusés hors du cercle des spécialistes, surtout italiens ou italophones, des questions religieuses. Il s'agit pourtant d'une historiographie éminemment globale, permettant de pratiquer de multiples jeux d'échelles et des croisements disciplinaires. Les archives de cette institution mondiale, très bien conservées, sont considérables et souvent incontournables pour aborder les grands conflits mondiaux mais aussi les situations locales sur les différents continents, où le Saint-Siège est directement sollicité comme médiateur ou bien dont il reçoit les informations des fidèles présents sur place.
L'ouverture des archives du pontificat de Pie XII (1939-1958), longtemps attendue par les chercheurs du fait des enjeux liés à la Seconde Guerre mondiale, est ainsi l'occasion de faire davantage connaître ce champ de recherche et d'en souligner les pistes de travail pour l'histoire internationale, en abordant tant les répertoires d'intervention diplomatique de cet acteur religieux que la façon dont ses archives nous renseignent sur l'histoire politique et culturelle transnationale.
Le 8 février 1971, Michel Foucault cosignait, avec Jean-Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet, le Manifeste du Groupe d'information sur les prisons (GIP). La première phrase avait des allures d'avertissement : "Nul de nous n'est sûr d'échapper à la prison". Il s'agissait de rendre visible ce qui se passait derrière les "hauts murs". Depuis, recherches et travaux historiques se sont déployés, s'interrogeant sur le droit de punir et la généralisation de l'enfermement. La nuit pénitentiaire restitue la naissance d'un modèle carcéral français au XIXe siècle. La pénalité de l'enfermement y apparaît comme la seule solution pour réprimer les auteurs de délits et de crimes, très majoritairement masculins. Tandis que l'opinion publique se désintéresse de la prison, jamais autant de détenus n'ont été comptabilisés en France aujourd'hui, alors que la décroissance pénale est attestée dans les prisons carcérales scandinaves.
Avec ce dossier, Parlement[s] analyse tant les pratiques et discours d'une société punitive, que ses cibles, en particulier les mineurs. Il s'invite dans des prisons régionales pour mieux cerner la population qui s'y trouve resserrée. En commentant des périodiques spécialisés comme Détective, des caricatures, des dessins de presse ou la une de journaux populaires, il n'ignore pas, enfin, l'imaginaire qui est colporté sur la nuit pénitentiaire.
Si Napoléon a muselé la presse dès son arrivée au pouvoir, il s'est aussi très tôt préoccupé de contrôler la publication des ouvrages non-périodiques, avec une attitude ambivalente vis-à-vis de la censure. Comment censurer les livres tout en laissant aux auteurs une apparence de liberté ? C'est contre les imprimeurs et les libraires que le pouvoir va sévir. Après les saisies arbitraires effectuées par la police dans les imprimeries et les librairies, un système de censure préalable est mis en place par le décret du 5 février 1810, qui instaure de surcroît l'obligation du brevet pour les imprimeurs et les libraires. Sous l'autorité du ministère de l'Intérieur et du directeur de la Librairie, des censeurs impériaux vont examiner chaque année plusieurs centaines de manuscrits.
Les ouvrages jugés subversifs ou contraires aux bonnes moeurs sont interdits de publication, sans qu'aucun texte législatif ne définisse les abus de la liberté de la presse. La censure se donne également pour mission de diriger l'esprit public, faisant du livre un élément essentiel du système de propagande napoléonien. La police est cependant impuissante à empêcher totalement la circulation des écrits séditieux ou licencieux. Insatisfait du fonctionnement de la censure, Napoléon l'abolira pendant les Cent Jours.
Fondé sur le dépouillement minutieux des rapports des censeurs et des archives de la police, cet ouvrage met au jour les rouages de la censure sous le Consulat et le Premier Empire, apportant ainsi un nouvel éclairage sur la production et la diffusion du livre durant les quinze premières années du XIXe siècle.
L'histoire des poches de l'Atlantique reste largement méconnue, fragmentée en de multiples récits locaux décrivant largement les combats et les combattants ou les souffrances des civils, sans analyser les enjeux politiques et militaires, sans présenter l'avant et l'après. Cet ouvrage ne prétend pas à l'exhaustivité, mais revient sur des thématiques méconnues ou des réalités souvent complexes. L'ouvrage s'organise en cinq parties : une première revient sur la constitution et l'histoire de ces fronts en distinguant deux réalités très différentes, les poches bretonnes et celles du sud-ouest.
Une seconde partie s'intéresse aux enjeux de ces ports forteresses pour les belligérants, les Allemands et les Français. Les assiégés et les assiégeants sont au coeur de la troisième partie, en posant le regard sur les exemples concrets de Lorient et de Saint-Nazaire, mais également sur les combattants, les FFI, les forces françaises et les troupes de l'Est. La quatrième et la cinquième partie renouvellent l'histoire des poches en abordant des sujets originaux, la Libération et sa planification, l'épuration, la restauration de l'Etat, la reconstruction, en particulier par l'exemple de Saint-Nazaire, puis la mémoire et les commémorations.
Cet ouvrage apporte une vision différente et originale de l'histoire singulière de ces poches de l'Atlantique.
Les chantiers de l'histoire environnementale sont aussi nombreux que les enjeux soulevés par la crise écologique contemporaine. Gestion des risques par les sociétés passées, exploitation des ressources naturelles, mutation du regard porté sur l'environnement constituent quelques facettes d'une historiographie désormais mature et foisonnante.
Les contributions réunies offrent un panorama international et pluridisciplinaire de cette révolution historiographique, en partant d'un état des lieux inédit dans quelques champs impactés par l'émergence d'une approche environnementale (telles l'histoire des mondes du travail et l'histoire maritime). La réflexion porte ensuite sur l'usage de sources et sur les méthodologies de recherche, en se fondant sur des exemples (comme les cartes) et en retraçant des expériences collectives de travail sur archives. Enfin, quelques études sur les acteurs et objets de l'histoire environnementale illustrent l'apport de l'interdisciplinarité pour interroger nos sociétés contemporaines.
Jean-Louis Rondeau, ancien oratorien, secrétaire de l'abbé Grégoire, a rédigé un journal dans la tradition des Nouvelles ecclésiastiques. Ce manuscrit inédit renouvelle l'historiographie et offre une relecture janséniste et gallicane du Concordat de 1801. Ardent partisan de la politique religieuse de Napoléon, Rondeau bascule dans l'opposition sous la Restauration. C'est alors que se cristallise la légende républicaine de Port-Royal et que se nouent les liens entre jansénisme et libéralisme. Le rôle des polémiques jansénistes dans le long processus de sécularisation est mis en lumière.
Comme des milliers de braves des armées tricolores entre 1792 et 1815, Théophile-Malo Corret de La Tour d'Auvergne est mort au champ d'honneur. Mais « premier grenadier des armées de la République », il fit partie de ceux qui se virent décerner la qualité de héros. Réputé comme savant et admiré pour ses vertus de son vivant même, il n'était pas, c'est vrai, un soldat commun. Ce livre ne consiste pas en une biographie du célébré. Son objet est sa célébration même, depuis la Révolution française jusqu'à la Grande Guerre. Pour cela, parmi les outils fournis par les sciences sociales il manie plus spécialement celui de l'admiration. Ainsi nous comprenons pourquoi la gloire du « petit héros » La Tour d'Auvergne n'a cessé de grandir durant tout le XIXe siècle. Héros célébré par la « grande patrie », comme par sa « petite patrie », et par son régiment, La Tour d'Auvergne est aussi un cas à partir duquel la construction nationale à l'oeuvre peut se voir et se comprendre. Ce cas permet également de décrire le phénomène social de l'admiration, si prégnant que la société dans laquelle il se développa est ici qualifiée de « société d'admiration ».
La Tour d'Auvergne est aujourd'hui bien oublié. L'ouvrage cherche donc enfin à comprendre comment et pourquoi l'admiration pour les héros s'est amoindrie, a cessé, voire a transformé certains modèles d'hier en repoussoirs à déboulonner.