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Ainsi parlait : Colette : Dits et maximes de vie
Colette
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 9 Janvier 2025
- 9782845903791
La littérature française classique compte quatre écrivaines majeures : Madame de Sévigné, Germaine de Staël, George Sand et Colette. De ces quatre-là, Colette est la seule dont l'oeuvre est très largement lue aujourd'hui encore.
Écrivaine populaire avec les Claudine et les Chéri, Colette est devenue grâce à sa liberté d'esprit et la puissance de son écriture, une sorte d'équivalent féminin de son contemporain Marcel Proust.
Colette aimait à dire pourtant qu'elle n'était devenue écrivaine que par hasard : « Dans ma jeunesse je n'ai jamais, jamais désiré écrire. » Mais à l'âge de 20 ans, elle épouse Gauthier-Villars (Willy) et devient l'un de ses multiples « nègres ». Sa vocation, nous dit-elle, était tout autre : « Née d'une famille sans fortune, je n'avais appris aucun métier. Je savais grimper, siffler, courir, mais personne n'est venu me proposer une carrière d'écureuil, d'oiseau ou de biche. »
Colette n'a pas fréquenté, comme les autres grands écrivains de sa génération, les grands lycées parisiens. Sa scolarité s'est arrêtée lorsqu'elle avait 16 ans. Elle a toujours gardé l'accent bourguignon : cette « voix de syrinx, écrivait Aragon, où perchait / Avec toutes les variations d'un / Beaune / Le roulement des r comme un vin dans le chai ».
Sans cesse, écrivait-elle, il faut retourner aux choses : « Nous ne regardons, nous ne regarderons jamais assez, jamais assez juste, jamais assez passionnément. » Ce qui rend vivantes toutes choses, c'est une certaine vibration qui est en elles, un rythme. Colette jouait bien du piano et a écrit le livret de L'Enfant et les Sortilèges de Ravel.
C'est chez sa mère qu'elle a trouvé la force de cette liberté indomptable. « Marcel Schwob, déclarait-elle, m'appelait «la béguine aux scrupules». Et il est vrai que je mets des scrupules un peu dans tout. Je cache mes scrupules sous un peu de cynisme. » -
Sous la neige ; Les Metteurs en scène ; Le Bilan
Edith Wharton
- Arfuyen
- Le Rouge & Le Noir
- 3 Octobre 2024
- 9782845903746
« Pourquoi si peu de parents savent-ils quelle chance c'est pour un enfant d'apprendre en bas âge les langues modernes ? » observe Edith Wharton dans son autobiographie, Les Chemins parcourus. Le français, elle l'a parlé depuis l'âge de quatre ans. Elle n'a cessé de le pratiquer au cours de ses nombreux séjours en France et surtout à travers ses lectures.
En 1907 Wharton s'installe à Paris. Lorsque la guerre éclatera elle décidera d'y rester et participera à l'effort de guerre avec un extraordinaire dévouement. Elle sera parmi les rares étrangers à se rendre dans les tranchées.
Après la guerre elle vivra au gré des saisons dans sa fastueuse villa de Hyères et au Pavillon Colombe à Saint-Brice-la-Forêt (Val-d'Oise), et ne retournera qu'une seule fois aux États-Unis avant sa mort à Saint-Brice en 1937. Elle repose au cimetière protestant de Versailles.
Faut-il s'étonner que la plus française des grands écrivains américains ait écrit en français ? Ethan Frome, l'un de ses chefs-d'oeuvre, c'est en français qu'elle en a écrit l'ébauche et, un an après la publication en revue à New York, elle en livrera elle-même la version française sous le titre Sous la neige (1912). Écrite en français, la nouvelle Les Metteurs en scène (1908) n'a pas de version anglaise alors que The Letters/Le Bilan a paru en revue simultanément (1910) dans les deux langues à Paris et aux États-Unis. Les trois sont ici pour la première fois réunis et présentés par l'un des meilleurs connaisseurs d'Edith Wharton, Jean Pavans. -
Souvenirs de la planète Terre, du grand écrivain roumain de langue française Ilarie Voronca, a été publié à Paris en 1945 et, étonnamment, n'a jamais été réédité. Roman pourtant prophétique dans son interrogation écologique sur le rapport entre l'homme et la planète : quelle y est notre juste place ? En sommes-nous maîtres ou serviteurs ? « Il se croyait effectivement un voyageur venu d'une planète ou de quelque univers inconnu et il tâchait de comprendre les êtres et les choses qu'il rencontrait. [...] Une chose lui semblait de plus en plus indiscutable : ces hommes n'étaient pas les maîtres de ces contrées. [...] Il est vrai que les hommes se comportaient entre eux et vis-à-vis des autres choses et êtres comme s'ils eussent été des maîtres ayant droit à une complète obéissance. [...] Mais, sous son oeil d'étranger, ces hommes ressemblaient plutôt aux membres de quelque fourmilière géante s'adonnant à un travail obstiné et aveugle. » Le narrateur va interroger les plantes, les bêtes, les pierres, les machines... Pourquoi en avoir fait des ennemis ? Pourquoi l'homme en a-t-il si peur ? « Ceux qui exploitent l'homme avaient besoin de maintenir ces angoisses, comprend-il enfin, comme ils avaient besoin de maintenir les quartiers sordides, les taudis, la malpropreté, les salaires de famine, afin de pouvoir dire : "Vous voyez, il n'y a rien à faire. Nous ne pouvons pas lutter contre tout cela. Il vous faut vous résigner." » Malgré ce message joyeux, plein de révolte et d'espoir, Voronca lui-même n'avait pourtant plus la force de lutter. Il se donnera la mort le 4 avril 1946.
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Ainsi parlait Tome 43 : Simone Weil : dits et maximes de vie
Simone Weil, Cécile A. Holdban
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 4 Avril 2024
- 9782845903647
« Tous les hommes admettent une morale rigoureuse quand il ne s'agit pas de l'appliquer. ».
Simone Weil est une toute jeune professeure de philosophie au lycée de Roanne quand elle écrit ses lignes. À l'issue de l'année scolaire 1933-1934, elle quitte l'enseignement pour vivre la condition d'ouvrière.
Marxiste, elle a compris pourtant que la révolution ne suffit pas à résoudre le problème social : « Le mot de révolution est un mot pour lequel on tue, pour lequel on meurt, pour lequel on envoie les masses populaires à la mort, mais qui n'a aucun contenu. » Elle n'a pas plus confiance dans les staliniens et les trotskistes que dans les réformistes : « Toutes les absurdités qui font ressembler l'histoire à un long délire ont leur racine dans une absurdité essentielle, la nature du pouvoir. » C'est au contact le plus proche avec la réalité que l'on peut comprendre les mécanismes de l'oppression et les moyens de s'en affranchir. De même, pacifiste, il lui faudra faire la guerre d'Espagne avec les anarchistes pour se donner le droit de parler de la paix.
Poussant au plus loin cette expérience de la compréhension des autres et de la compassion, la jeune agnostique révoltée en vient à se rapprocher du christianisme. « Nous vivons une époque privée d'avenir, observe-t-elle. L'attente de ce qui viendra n'est plus espérance, mais angoisse. » Après sa mort paraîtront les textes incandescents de la Pesanteur et la Grâce et L'Attente de Dieu qui révèleront en cette infatigable militante l'une des grandes spirituelles de son siècle. -
O Seigneur, donne à chacun sa propre mort, la mort issue de cette vie où il trouva l'amour, un sens et la détresse.
Rainer Maria Rilke
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Au seuil de l'indicible : Journal de lecture
Joë Bousquet
- Arfuyen
- Les Vies Imaginaires
- 12 Septembre 2024
- 9782845903777
Le 27 mai 1918, âgé de 21 ans, Joë Bousquet est atteint à la colonne vertébrale par une balle allemande. Il perd l'usage de toute la partie inférieure de son corps. Que faire de cette vie ? Il songe d'abord au suicide, avant de comprendre que sa tâche est de « construire autour de lui l'univers » et que cette vie-là est « la plus précieuse, la plus profonde, la seule probablement à être réelle ». Alité pour le reste de sa vie à Carcassonne, dans une chambre dont les volets sont fermés en permanence, il tisse une autre forme de présence au monde, plus vaste et profonde d'une certaine manière, à travers l'écriture et la lecture. Les amitiés nouées à travers les textes nour-rissent de nombreuses correspondances (notamment avec Simone Weil dont il est très proche) et attirent vers sa chambre les visites des plus grands créateurs. « J'envie parfois, lui écrit Paulhan, votre divination et cette étrange rapidité qui vous fait traverser d'un coup ce qui me demeure opaque. » Jusqu'à sa mort en 1950, Bousquet sera le témoin le plus lucide de la littérature de son époque. Cette époque où s'épanouissent les plus grandes oeuvres de l'histoire littéraire, il en perçoit mieux que personne, grâce à sa totale disponibilité et à son extrême sensibilité, les secrètes lignes de force. Retrouvées dans leur profonde unité, ces lectures que Bousquet publiait en revue, constituent tout à la fois le véritable journal de bord, année par année, de cet homme écorché vif et solitaire et le passionnant panorama d'une littérature en train de se faire - de Aragon à Michaux, de Jouve à Artaud, mais aussi de Milosz à Kafka, de Daumal à Char, de Queneau à Simenon.
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Rabbi Nahman de Bratzlav (1772-1810) ou la nostalgie hassidique
Catherine Chalier
- Arfuyen
- Les Carnets Spirituels
- 7 Novembre 2024
- 9782845903784
Arrière-petit-fils du Baal Chem Tov, fondateur du hassidisme à Medjybij (à l'ouest Ukraine) en 1740, Rabbi Nahman de Bratzlav est une figure majeure de la spiritualité hassidique.
Ses enseignements, ici présentés, ont été recueillis par son disciple R. Nathan Sternhartz sous le titre Recueil de notre maître R. Nahman et Recueil des lois. Quant aux histoires qu'il a racontées à la fin de sa vie, publiées en yiddich et en hébreu, elles en ont fait un personnage très populaire. Les Contes de Rabbi Nahman édités par Martin Buber donnent ainsi l'idée fausse d'une sorte de conteur.
R. Nahman a lutté toute sa vie contre la peur et la tristesse. La vocation de son enseignement est d'aider ses disciples à lutter contre ces deux sentiments. Pour lui, il existe une mélodie (nigun) sainte et éternelle en toute créature, pas seulement humaine. Cette mélodie-là qui est celle de la création est plus puissante qu'une discussion pour éveiller l'âme humaine. C'est cette mélodie éternelle que chaque personne tenterait de rejoindre grâce à sa propre mélodie, même quand elle l'ignore.
R. Nahman met au vif de son propos une nostalgie pour Dieu, incessante et aigue. Il fait sien l'enseignement du R. Isaac Luriaselon lequel l'acte créateur implique un retrait/cachement (tsimtsoum) de la lumière de l'Infini (Ein Sof). En effet, si cela ne se produisait pas, il n'y aurait place pour aucune créature. R. Nahman distingue ainsi deux types de souffrances : celles qui relèvent de la brisure des vases et celles qui relèvent de l'espace vide.
Garder le sentiment d'être loin, mais désirer se rapprocher, plutôt que d'en venir à des conclusions définitives, voilà l'essentiel pour R. Nahman. C'est aussi le de son adage célèbre selon lequel « il n'est pas bon d'être vieux ». Il faut en effet se renouveler sans cesse. -
Deux histoires vénitiennes ; Balzac à Venise
Honoré de Balzac
- Arfuyen
- Le Rouge & Le Noir
- 6 Juin 2024
- 9782845903722
Les deux histoires ici présentées ont l'une et l'autre pour cadre Venise et pour personnage principal un prince de Varèse. Dans Facino Cane, il s'agit du vieux Marco Facino Cane, qui pour l'amour de Bianca Vendramin, qu'il a connue en 1760, a été obligé de fuir Venise et s'est retrouvé aveugle et ruiné à Paris. Dans Massimila Doni, il s'agit du jeune patricien Emilio Memmi, propriétaire d'un palais « qui passe pour un des plus beaux ornements du Canal Grande ».
Fortement liées, ces deux histoires vénitiennes aux descriptions somptueuses et aux péripéties rocam-bolesques ont été achevées par Balzac à quelques années de distance : Facino Cane a paru en 1837 ; Massimilla Doni n'a été publié en son ensemble qu'en 1839. Elles appartiennent en outre à des ensembles différents : le premier, aux Études de moeurs et, le second, aux Études philosophiques.
Il nous a semblé une évidence de réunir enfin en un seul volume ces deux textes qui sont les deux seules oeuvres de Balzac qui sont liées par une telle unité de lieu et d'action et qui, ensemble, témoignent de son enthousiasme pour la vie vénitienne.
Par chance, il existe un remarquable témoignage sur la relation entre Balzac et la cité des doges : c'est le Balzac à Venise d'Henry Prior, paru dans La Revue de France (1er décembre 1927), véritable mine d'informations sérieuses et pittoresques. Il est ici réédité pour la première fois en volume. -
Et pourtant ; Ajouter du noir, ou non ; Ce qui doit venir
Pierre Dhainaut
- Arfuyen
- Les Cahiers D'arfuyen
- 9 Janvier 2025
- 9782845903814
« L'air / demande / une aide, / les poèmes / parfois / l'exaucent. » Il n'est pas de meilleure image de la poésie de Dhainaut que cette large et généreuse respiration que donnent les immenses plages de la mer du Nord. Mais que faire quand l'air lui-même vient à manquer, quand lui-même appelle à l'aide ?
Pour éviter l'étouffement, le poète ne peut compter alors que sur les mots. Mais ce n'est que « parfois » que vient par eux « l'exaucement ». Le poète n'en sait que trop les limites : « Aucun mot ne nous a sauvés, quelques-uns / malgré tout persistent, palpitent. » Le poète est lucide, et pourtant, pourtant demeure convaincu que « seul un poème / rend l'inquiétude heureuse ».
Pourquoi ? C'est ce que dit le poème final du présent recueil : « Une voix est en nous sans être à nous : / dans la traversée des poèmes ». Cette voix-là nous libère et nous la libérons : « nous la dilapidons, nous l'aidons à vivre ». Quelque chose se passe dans le poème qui nous dépasse et le dépasse, et nous fait comprendre cette vérité : « Rien ne commence, rien, ici ou ailleurs, / on reçoit un écho, de qui, pour qui ? »
Ce qui se produit dans le poème est la vie elle-même : « Rien / n'est dit, / rien encore, / l'ignorance / pour lumière ». Nous sommes hôtes de ce monde, comme les mots sont hôtes de cette voix inconnue : « Nous n'avons droit qu'à devenir des hôtes, /bonjour la boue qui luit après la neige / et bonjour la poussière, la chute / étant une autre incarnation du vol. » -
Ainsi parlait Tome 39 : Anatole France : dits et maximes de vie
Anatole France
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 11 Janvier 2024
- 9782845903609
Prix Nobel de littérature en 1921 pour l'ensemble de son oeuvre, Anatole France (1844-1924) a été l'une des grandes consciences de son temps. Dans l'éloge de son prédécesseur à l'Académie, Valéry met en avant « l'aisance, la clarté, la simplicité » de son écriture, son esprit « sceptique et satirique », « érudit et ingénieux » et l'« immense culture » qui lui ont permis (comme à Valéry) de comprendre mieux que personne son époque L'année 2024 marquera le centenaire de sa mort et les célébrations nationales et publications programmées à cette occasion seront l'occasion de redécouvrir une figure majeure du XXe siècle, digne héritier de Rabelais, Montaigne et Voltaire.
Son grand roman Les dieux ont soif (1912) dénonçaient les risques totalitaires des plus belles utopies et dès 1922, il protestait dans L'Humanité, contre les premiers procès de Moscou. Les surréalistes ne le lui pardonneront pas : au lendemain de sa mort, leur célèbre et assez ignoble tract Un cadavre le feront mourir une seconde fois : « Que donc celui qui vient de crever au coeur de la béatitude générale, s'en aille à son tour en fumée ! y écrit Aragon. Certains jours j'ai rêvé d'une gomme à effacer l'immondice humaine. » Il est grand temps de corriger cette injustice et de revenir, au-delà des diktats et mises à l'index, aux textes eux-mêmes. On y découvrira un esprit magnifiquement lucide et plein d'humour et d'une vraie sagesse. -
Opus incertum Tome 7 : Mars 1995-septembre 1997 ; La voix de l'érable
Roger Munier
- Arfuyen
- Les Cahiers D'Arfuyen
- 6 Mars 2025
- 9782845903876
Ce livre est le 7e volume de l'oeuvre d'une vie : l'Opus incertum, que Roger Munier a commencé à écrire en 1980 et n'a interrompu que quelques jours avant sa mort le 10 août 2010. oeuvre totale, à la fois philosophique, spirituelle et poétique, qui ne peut se comparer dans l'histoire des littératures qu'à celle d'un Montaigne, d'un Joubert ou d'une Emily Dickinson. Les éditions Arfuyen ont commencé de publier Roger Munier en volume dès 1980, l'année même où il commence à écrire son Opus incertum. À sa demande elles ont repris le flambeau de on édition en 2007 (Les Eaux profondes. Opus incertum V) lorsque Gallimard s'est retiré du projet. À l'occasion de leur 50e anniversaire, les Éditions Arfuyen ont décidé de se lancer dans l'édition intégrale de l'Opus incertum : plus de 2000 pages, qui paraîtront en huit gros volumes sous la direction conjointe de Jacques Munier et Gérard Pfister. Singulier projet que celui de Munier, immense chantier patiemment mené année après année pour capter un peu de ce qui fait l'essentiel de notre destinée de vivants : « Une autobiographie, mais qui ne serait faite que des moments impersonnels où l'être s'est senti traversé. » Avec la même intransigeante lucidité et la même sereine obstination qu'un Montaigne, Munier s'essaie à écrire ce qui sans cesse, en même temps que la vie, lui échappe : « Je fais, dans ces notes, un demi-pas vers l'inconnu - mon inconnu ou l'inconnu - parfois un autre moindre encore, parfois un pas en retrait. Mais peu à peu j'avance dans l'incertain. Au total j'avance. »
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Ainsi parlait Tome 41 : Jules Renard : dits et maximes de vie
Jules Renard
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 6 Juin 2024
- 9782845903715
Les OEuvres complètes de Jules Renard ont paru en 17 volumes de 1925 à 1927, révélant notamment son merveilleux Journal alors inédit. Trois volumes lui sont consacrés dans la bibliothèque de la Pléiade.
Jules Renard est connu de tous par Poil de Carotte et ses Histoires naturelles. Il ne faut cependant pas réduire son oeuvre à l'humour. Ce qui fait son génie incomparable, c'est la perfection de son écriture, concise et percutante, et son extraordinaire liberté d'esprit. Jules Renard est lumineux : le lire est une thérapie de la langue et de l'âme. C'est pourquoi il a sa place dans la collection Ainsi parlait aux côtés de Montaigne, de Valéry et des plus grands.
Jules Renard, dont la vie fut courte et difficile, est un maître de bonheur : « Le but, c'est d'être heureux. On n'y arrive que lentement. Il y faut une application quotidienne. Quand on l'est, il reste beaucoup à faire : à consoler les autres. » C'est pourquoi il a un rapport ambivalent avec la littérature qui est une maîtresse difficile (« Ne jamais être content : tout l'art est là ») et trompeuse (« écrire, c'est presque toujours mentir »).
Raccourcir, éclaircir, simplifier, pour arriver à une langue forte et drue, voilà son effort permanent.
L'humour n'est qu'une forme de sa modestie : savoir que ce qui compte, c'est avant tout de bien vivre et que le reste n'est qu'illusions. « La nature a horreur des bavards », écrit-il. Laconique, ironique, écrire est pour lui avant tout une hygiène de l'esprit. -
Ainsi parlait Tome 41 : Eugène Delacroix : dits et maximes de vie
Eugène Delacroix
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 12 Octobre 2023
- 9782845903562
Les écrits de Delacroix se partagent en trois ensembles : le Journal (1800 p.), plusieurs volumes de correspondance, les articles publiés en revue. Delacroix redoute toujours de figer les choses, que ce soit par la forme qui cerne ou par la pensée qui définit. Pour lui la matière est vie et la peinture espace en mouvement. Ce solitaire est toujours en dialogue, ce pessimiste est toujours en recherche de nouveauté. Reconnu et commenté dès ses premières présen-tations, il a aussi été haï jusqu'à sa mort. Jamais on ne lui a permis d'enseigner, et il n'est admis à l'Institut qu'à sa 7e candidature. Delacroix choque, car il montre la violence et le tragique du monde : guerres, crimes, suicides, viols, corruption. « Le sauvage revient toujours, écrit-il. La civilisation la plus outrée ne peut bannir de nos villes les crimes atroces qui semblent le partage des peuples aveuglés par la barbarie. » Il y une profonde parenté entre Baudelaire et Delacroix, dans la violence et la cruauté même. Mais Baudelaire déteste la nature, Delacroix l'aime profon-dément. Baudelaire déteste la femme, Delacroix la respecte. « Delacroix n'a pas et n'aura pas de vieillesse, écrivait George Sand. Il est, dans son art, l'innovateur et l'oseur par excellence. » Quelques semaines avant de mourir, il écrit les dernières lignes de son Journal : « Un tableau doit être une fête pour l'oeil ». Sagesse pratique de Delacroix : opposer la joie de l'art au tragique inexorable de la vie.
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Ainsi parlait Tome 39 : ainsi parlait Chateaubriand : dits et maximes de vie
François-René de Chateaubriand
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 11 Mai 2023
- 9782845903524
L'oeuvre de Chateaubriand, disciple de Rousseau, est traversée par l'urgence et par la puissance du désir. Se comparant lui-même au « Juif errant qui ne devait plus s'arrêter », il a connu la faim et la misère durant son exil en Angleterre, mais aussi le faste des ambassades lors de sa carrière publique de diplomate. Poète-voyageur, il se nourrit de ce changement perpétuel : « J'étais homme et je n'étais pas homme ; je devenais le nuage, le vent, le bruit. » Car si Chateaubriand voyage tant, de n'est pas par simple curiosité, c'est pour retrouver une unité de sens dans un univers qui se disperse : « Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où j'étais né, nageant avec espérance vers une rive inconnue. » À la fin de sa vie, il s'interroge : « Ai-je une patrie ? » et si oui, y « ai-je jamais goûté un moment de repos ? » Attentif « au bruit lointain d'une société croulante », il constate sa solitude face aux bouleversements de son temps : « J'ai toujours eu horreur d'obéir et de commander », écrit-il. Il a 76 ans quand, dans sa sublime Vie de Rancé, son dernier ouvrage, il observe : « Je ne suis plus que le temps. » Ce temps, il sait pourtant que, grâce à l'écriture, il n'aura pas été vain : « Pourquoi me plaindrais-je de la rapidité des jours, puisque je vivais dans une heure autant que ceux qui passent des années à vivre ? »
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Dix ans après la mort de La Soudière, les éditions Arfuyen ont été les premières, en 2003, à lancer avec Brisants la publication de son oeuvre. De nombreuses éditions ont vu le jour depuis lors par les soins de Sylvia Massias : au Cerf les trois forts volumes des lettres à Didier (2010-2015, 1800 pages) et une biographie, Vincent La Soudière, la passion de l'abîme (2015) ; dans la revue Nunc un dossier La Soudière (2017) ; enfin aux éditions La Coopérative, un ensemble de fragments sous le titre Eschaton (2022).
« L'ayant rencontré plusieurs fois, je sais qu'il n'écrira jamais rien de gratuit, écrivait Henri Michaux. Ce qu'il fera connaître est important. » Cioran lui aussi s'enthousiasmait pour la « haute tenue littéraire » de ses écrits « dont il me semble, écrivait-il, difficile de ne pas admirer l'unité de ton et de vision ».
Écrits de 1988 à sa mort en 1993, les textes ici réunis constituent une sorte d'autobiographie et donc aussi de testament. Le titre Batelier de l'inutile a été choisi dans une liste de titres listés par l'auteur. La figure de Pessoa hante ces réflexions : « Le secret, écrit-il, c'est de laisser ta personnalité au vestiaire, et de laisser se défaire le fantôme de ton moi. »
C'est ainsi seulement qu'on peut espérer devenir celui que l'on a toujours été, « source jaillissante qui n'a jamais quitté la lumière éternelle ». C'est ainsi que peut advenir cette « autre naissance », pressentie dans la contemplation des « étoiles scintillantes » sous le regard maternel du firmament. -
Depuis Balbuciendo (2012), son premier livre aux éditions Arfuyen, Michèle Finck poursuit une oeuvre d'une rare puissance et intensité. Non pas de simples recueils mais de gros livres très architecturés où l'autobiographie se mêle avec une immense culture, les formes poétiques les plus variées avec la prose, le chant avec les cris.
Après de nombreux livres qui étaient comme autant de tombeaux, La Ballade pour les hommesnuages (2021) laissait déjà entendre un chant d'amour et d'un paradoxal bonheur. Comme le dit assez son titre, La voie du large pousse plus loin cette ouverture : le thème marin, déjà présent dans les précédents recueils, communique à l'ensemble du recueil un peu de sa lumière et sa sérénité.
Huit mouvements : « La langue au doute », « Leçons de ténèbres », « Intermezzo », « Correspondances stellaires », « Santa Reparata », « Radiophilie », « Cantillation du doute et de la grâce ». Du doute à la grâce, c'est la musique qui opère la métamorphose : « Musique / Rend // Translucide // Ce sourire / Des sons / Qui est / Larme / Est-ce / Ce qu'on appelle // La grâce ? » Car la musique est comme la mer, étreinte et délivrance, bienheureuse réparation : « Nager Ne plus savoir depuis combien / de temps Bientôt ne plus sentir si je nage / dans la mer ou lévite audessus / des montagnes Le bleu devient mental / est-ce lui ou moi qui lentement tournoie ? » -
Conversations avec Rainer Maria Rilke ; De Paris à Strasbourg et Colmar avec Rilke
Rainer Maria Rilke, Maurice Betz
- Arfuyen
- Les Vies Imaginaires
- 10 Mars 2022
- 9782845903258
Rilke comme si on était avec lui, comme si on l'écoutait : « Rilke arrivait chez moi, raconte Betz, d'ordinaire un peu après dix heures. Lorsque son coup de sonnette ne résonnait qu'à onze heures, c'était que, profitant du beau temps, il avait traversé le Luxembourg.
» De l'Hôtel Foyot, rue de Tournon, où habitait Rilke, au 1 rue Médicis où était l'appartement de Betz, dominant les jardins, il n'y avait que quelques pas.
Rilke et Betz travaillaient à la traduction des Cahiers de Malte Laurids Brigge : « Avec quelques interruptions, notre collaboration se prolongea ainsi pendant plusieurs mois. Je ne suis pas loin de soupçonner Rilke d'avoir mis une secrète complaisance à faire durer ces conversations. » Elles portent sur les sujets les plus variés : de la poésie et la traduction aux paysages de France et à la Russie, mais aussi bien aux chiens et aux chats. Betz n'a pas 30 ans, il est ébloui. Mais il consigne ces propos et nous pouvons les partager aujourd'hui.
Un de ces jours où Betz travaille avec Rilke, le jeune Camille Schneider rend visite à son compatriote Betz.
« Vous avez dû croiser Rilke dans l'escalier, lui dit Betz. Si vous voulez le voir de près, allez au jardin du Luxembourg. Vous le trouverez sur l'un des premiers bancs, au milieu des pigeons. » Schneider s'y précipite :
« Venez, lui dit Rilke, je voudrais voir le Luxembourg avec vous. » Ils marchent, et au moment de se séparer :
« J'aimerais revoir Strasbourg avec vous, et Colmar. » Car c'est à Strasbourg que Rilke a publié son premier recueil, en 1897. Le départ se fait le soir-même. Et là encore le détail de ce voyage étonnant avec Rilke nous a été conservé. Comme si nous y étions...
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Ainsi parlait Tome 27 : Marcel Proust ; dits et maximes de vie
Marcel Proust, Gérard Pfister
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 14 Janvier 2021
- 9782845903050
Proust est à lui seul, a-t-on dit, toute la littérature comme Bach est à lui seul toute la musique. On trouve en son oeuvre toute la modernité, et toute la tradition classique. On sait le goût qu'il avait des moralistes comme Pascal, La Rochefoucauld ou La Bruyère. Bernard de Fallois, l'un des meilleurs connaisseurs de l'oeuvre de Proust, a publié dans son Introduction à la Recherche du temps perdu un large choix de maximes et de pensées de Proust, qui atteste qu'il est aussi, dans la concision et la lucidité, le parfait continuateur des moralistes du Grand Siècle.
Au reste voulait-il vraiment écrire un roman ?
« J'ai trouvé plus probe et plus délicat comme artiste, écrit-il à Jacques Rivière en 1914, de ne pas laisser voir, de ne pas annoncer, que c'était justement à la recherche de la Vérité que je partais, ni en quoi elle consistait pour moi [...] Ce n'est qu'à la fin du livre, et une fois les leçons de vie comprises, que ma pensée se dévoilera. » Quelles sont donc ces essentielles « leçons de vie » ? A travers l'imposante masse de l'oeuvre de maturité, des textes de jeunesse et de la correspondance, ce nouveau volume de la collection Ainsi parlait le fait clairement apparaître.
Quelle sont les sources de cette pensée ? On s'en tient souvent à son lien familial avec Bergson, c'est oublier qu'il a suivi lui-même des études de philosophie à la Sorbonne et que, admirateur de Wagner, il s'est également passionné, comme le montre la préface du présent volume, pour la philosophie allemande, de Schelling à Schopenhauer.
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Ainsi parlait Tome 25 : Blaise Pascal ; dits et maximes de vie
Blaise Pascal
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 5 Novembre 2020
- 9782845902985
« Pascal, écrit Bernard Grasset, un scientifique devenu mystique, un contempteur des philosophes et des poètes devenu maître de sagesse et artiste souverain du langage. Chez lui tout nous étonne et nous fascine, tout nous conduit hors des sentiers convenus. » Pascal est une des figures les plus originales et géniales de la littérature française. Ses Pensées sont parmi les textes les plus cités, souvent de travers. Mais qui connaît ses autres écrits : ses lettres mais aussi ses textes scientifiques, spirituels, philosophiques ou polémiques ?
Selon l'esprit de la collection Ainsi parlait, ce petit ouvrage vise à faire découvrir de manière facile et agréable l'ensemble des facettes de ce véritable météore de la littérature. Un homme moderne par son esprit profondément scientifique et par ses angoisses existentielles. Héritier de Montaigne et précurseur de Leopardi, Nietzsche ou Kierkegard, Pascal a une place essentielle dans la pensée européenne.
Son écriture est unique par son intensité, sa limpidité et son élégance. Homme de contrastes, Pascal allie une extrême intelligence avec une vive sensibilité, raison et émotion, esprit de géométrie et esprit de finesse. Volontaire, esprit indépendant, il témoigna d'une longue patience dans la souffrance.
Savant mathématicien, il garde le sens pratique, reste attentif au concret. Son aventure intellectuelle et spirituelle nous touche par sa liberté, sa fulgurance et son incandescence.
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La dernière amitié de Rainer Maria Rilke ; lettres à Nimet Eloui Bey ; les derniers mots de Rainer Maria Rilke
Edmond Jaloux, Genia Tchernosvitow
- Arfuyen
- Les Vies Imaginaires
- 9 Mars 2023
- 9782845903289
Dans les premiers jours de septembre 1926, à l'hôtel Savoy de Lausanne, Rilke fait la connaissance de Nimet Eloui Bey. Son père, Achmed-Khaïri Pacha, a été premier chambellan du sultan d'Égypte Hussein Kamal. Sa haute stature et son élégance naturelle attirent sur elle tous les regards. Mais plus encore, ce qui la rend fascinante, c'est la terrible lucidité et l'inquiétude spirituelle qu'on sent en elle.
La présence de Nimet Eloui Bey illuminera les derniers mois de Rilke. « Tout à la fin de septembre, raconte sa dernière secrétaire, une amie, dont il disait qu'elle était la femme la plus belle du monde, était montée de Lausanne le voir dans sa tour. Il avait tenu à cueillir lui-même des roses de son jardin pour en mettre partout dans «sa» maison. » Il s'égratigna sur une épine et sa santé se dégrada subitement. Rilke mourut de leucémie trois mois plus tard, le 29 décembre 1926.
« Edmond Jaloux, écrivait Yanette Delétang-Tardif en 1952, a pénétré l'oeuvre de Rilke et son envoûtante présence avec une telle divination, l'accueil de cette oeuvre en France a été pour lui une mission si sacrée, leurs noms sont tellement unis dans l'âme de tous les vrais rilkéens, que l'on ne peut rien dire qui ajoutât un seul trait à la ferveur de cette rencontre. » Le texte d'Edmond Jaloux, paru en 1949 (l'année même de sa mort), est suivi de la correspondance entre Rilke et Nimet Eloui Bey ainsi que du très précis témoignage de la dernière secrétaire de Rilke, Génia Tchernosvitow, sur les derniers mois de Rilke. -
Ainsi parlait Tome 32 : Michel de Montaigne ; dits et maximes de vie
Michel de Montaigne, Gérard Pfister
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 13 Janvier 2022
- 9782845903234
Après avoir cherché toute sa vie un modèle de liberté et de tolérance, Zweig découvre Montaigne au printemps 1941, un avant sa mort. C'est un coup de foudre : « Montaigne aime démesurément la vie, écrit-il. La seule crainte qu'il connaisse est celle de la mort. Et il aime dans la vie toutes les choses comme elles sont. » Innombrables sont ceux qui se sont nourris de la sagesse de Montaigne. Comme Shakespeare symbolise la littérature anglaise, on peut dire que Montaigne est comme un condensé de la littérature française. Shakespeare lui-même, son cadet de 30 ans, ne lui a-t-il fait des emprunts ?
Comme Proust, Montaigne est l'homme d'un seul livre, d'un livre auquel il s'identifie totalement mêlant inséparablement autobiographie, création et philosophie. Comme Proust, Montaigne est aussi avant tout un psychologue et un moraliste. Lui qui ne cesse de relire Sénèque et Plutarque et a fait peindre sur les poutres de sa bibliothèque ses aphorismes préférés, il n'est pas d'auteur dont l'oeuvre plus riche de « dits et de maximes de vie ».
Et c'est même là l'embarras : comment choisir ?
Il faut choisir cependant. Car la lecture des Essais est rendue difficile par les innombrables digressions de l'auteur mais surtout par la langue du XVie siècle, fantasque et truculente, mais souvent obscure. Toute l'utilité du présent livre est donc de donner ici l'essentiel des Essais en en gardant au plus près la saveur de leur langue, mais de les rendre d'un accès facile et agréable.
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En 1970, René Char écrit à Marwan Hoss : « Il m'est agréable de vous écrire combien vos poèmes me trouvent, me découvrent peut-être aussi à moimême, à l'âge des sombres chagrins. » Et un mois plus tard : « Sur la ligne de l'horizon où vous m'êtes apparu, je ne vous confonds avec aucun autre. » En 2019 a paru Jours, un recueil de 248 pages réunissant l'ensemble des textes de Marwan Hoss écrits depuis 1969. Terres, rassemble les poèmes écrits depuis lors. On y retrouve la tonalité unique qui marque cette poésie, à la confluence de Char et de Schéhadé : étrange et grave, ascétique et sensuelle, brûlante et raffinée.
« Dans l'aube froide / les sarcelles de mon enfance / prennent leur premier envol / Les chasseurs tirent et font / saigner leurs coeurs / Derrière les roseaux / se cachent les oiseaux blessés ». Même lorsqu'il s'agit de l'enfance, la menace est toujours présente. Toujours se font sentir « les fusils / au loin ». Et l'amour lui-même parachève cette violence : « Le désir a fait trembler / mon enfance // Le feu de ton regard / l'a incendié » Les poèmes sont le seul lieu possible d'une réconciliation : « Mes poèmes ressuscitent / ma mémoire » On y peut reprendre souffle : « Sur la feuille respirent / les mots ». Méfiance cependant : les mots, comme l'amour, peuvent vite se retourner. Parfois, « Les mots se révoltent / ils traquent les poètes / dans les jardins de la ville » Même avec les mots la paix est fragile. Le poète vit « en état d'alerte ». -
Ce n'est pas un hasard si figure en couverture de ce nouveau livre l'idéogramme kou, en chinois « bouche ». Ce signe se réfère bien sûr d'abord aux petites ouvertures qui donnent leur titre au livre :
Cette « petite lucarne / ouverte // au fond /du tableau » qui semble le faire communiquer, conne dans un tableau de Vermeer, avec un autre monde.
Mais ce signe désigne aussi la bouche béante dans l'instant de l'émerveillement : « elle est venue, dit le poète / l'inattendue l'éblouissante // sitôt / disparue ». Innombrables sont ces instants pour qui sait les accueillir et chaque poème en est comme la trace, peut-être aussi peut-être la clef. Car, écrit Goorma « nul / ne rencontre le poème // sans / se rencontrer ». Le poème n'est pas simple souvenir, mais principe actif. Il nous aide à voir et à entendre.
Comme le poète, le lecteur qui vit profondément le texte doit pouvoir éprouver lui aussi cette étrange impression : « je m'éveille soudain / regardant tout autour // comme venant / de tomber du ciel ». C'est alors que subitement la lucarne s'ouvre à la vision : « le soir appuie / son front noir // sur la vitre / et te regarde ». Et c'est alors que se fait sensible, dans un parfait silence, le passage de la grâce. Car toujours, rappelle le poète, « l'effroi est /grand ouvert // au vertige / de la grâce. » Et ce sont au contraire l'habitude et le confort qui nous empêchent de la recevoir. Au plus sombre des jours, la grâce reste présente en nous : « par le sourire en nous / de la clarté // la grâce demeure / invaincue ». -
Ainsi parlait Tome 34 : André Gide ; dits et maximes de vie
Gérard Bocholier
- Arfuyen
- Ainsi Parlait
- 12 Mai 2022
- 9782845903319
En 2019 le plus grand journal luxembourgeois titrait : « Relecture d'un classique à l'ère du #metoo :
Faut-il bannir l'oeuvre d'André Gide ? ».
Les Nourritures terrestres, parues en en 1897, ont été dans une époque encore étroitement conformiste un évangile de libération : « Une existence pathétique, Nathanaël, plutôt que la tranquillité. » En plein symbolisme, Gide invitait avec une force inouïe, à revenir au naturel et à la vie authentique.
Qui est André Gide ? Le Journal le montre tout à la fois sincère, esthète, immoraliste, nomade, engagé, pervertisseur. Gide préfère l'inquiétude à toute forme de tranquillité morale ou intellectuelle : « Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse, écrit-il, - doublé d'un pasteur protestant qui l'ennuie. » Comme Montaigne, il n'est que mouvement :
« Tour à tour je ressemble et diffère. » Gide place la sincérité au sommet de toutes les vertus. Elle est à la racine de toute morale authentique : « Ne pas se soucier de paraître. Être seul est important. » Gide vit jusqu'au bout cette exigence comme un drame, dont le noeud se situe en lui-même.
La matière de la création littéraire gidienne est constamment faite de problèmes moraux. Ceux-ci en sont « l'étoffe », mais ils sont subordonnés à l'art :
« Ne prendre chacun de mes livres que pour ce qu'il est : une oeuvre d'art. » Cinq ans avant sa mort, il écrit dans son Thésée : « Il m'est doux de penser qu'après moi, grâce à moi, les hommes se reconnaîtront plus heureux, meilleurs et plus libres. Pour le bien de l'humanité future, j'ai fait mon oeuvre. »