L'Église noire est la première institution que fondent les esclaves africains déportés dans le Nouveau-Monde. Depuis lors, elle demeure un centre de gravité spirituel, culturel, politique et social pour le peuple africain-américain. Henry Louis Gates Jr, qui connut la ségrégation dès son enfance, brosse un tableau de plus de cinq siècles, depuis la trouble rencontre entre le christianisme et la traite transatlantique jusqu'à la situation politique actuelle. Il offre un éclairage inédit sur l'importance de la religion africaine-américaine. Celle-ci fut une ressource décisive de résistance à l'esclavage et à la suprématie blanche, de mobilisation en vue de l'émancipation et de l'égalité des droits. Elle fut aussi un incubateur de talents musicaux et oratoires qui forgeront la culture noire, se répercuteront dans la société américaine et rayonneront dans le monde. Depuis sa fondation, elle est un creuset où la communauté noire travaille les problèmes personnels, sociaux et politiques qui la taraudent.
Durant son histoire, l'Église noire a produit nombre de leaders remarquables engagés dans la lutte politique. En même temps, certaines communautés ont perpétué des pratiques d'exclusion et d'intolérance. Ces tensions demeurent, alors que la nouvelle génération exige davantage de liberté et de dignité, au sein et au-delà de leurs communautés, indépendamment de la race, du sexe ou du genre. En tant que source de foi et de refuge, de développement spirituel et de combat pour la justice, l'Église noire a joué un rôle central. Pourtant, aujourd'hui, elle s'interroge sur sa place dans la société.
Dans une relecture de la parabole du fils prodigue, Marion Muller-Colard explore, plus que son retour, le départ du fils cadet. Non seulement son départ, mais encore la nécessité de cette rupture qui le met au monde plus radicalement qu'une naissance.
De la confrontation entre le texte biblique et une analyse subversive de l'âge qualifié d'ingrat jaillissent des voies inédites de souveraineté. Un éloge de toutes nos adolescences, car il n'y a pas d'âge pour « ratifier sa naissance ».
« Cette existence qui a commencé par une vie reçue, qui se finira par une vie reprise, doit bien, un jour ou l'autre, être conquise. Ils fomentent une façon d'être autre chose qu'un débit. Ils fomentent un début. ».
Des femmes pasteures qui célèbrent le culte, qui prêchent du haut de la chaire, qui baptisent, qui rompent le pain, élèvent la coupe et distribuent la Sainte Cène; des femmes qui animent le catéchisme, accompagnent les familles endeuillées et bénissent les couples mariés: cela fait presque un siècle qu'il y a en a, dans certaines Églises protestantes réformées! Leur arrivée ne s'est pas faite sans débats et sans difficultés. Lauriane Savoy propose une étude fouillée du processus à l'oeuvre dans les Églises de Genève et Vaud, faisant sortir de l'oubli des pionnières courageuses des années 1920, des hommes alliés, des comités de soutien, des opposants acharnés. Elle explore des archives truculentes, donne à entendre la parole de femmes qui ont commencé leur ministère dans les années 1970 et racontent leur vocation, montre la conciliation délicate entre leur engagement et leur vie de famille.
En un siècle, les Églises protestantes réformées sont passées du monopole masculin sur le pastorat à une proportion de près de 40% de femmes pasteures. Cette révolution méconnue, particulière au protestantisme, donne à penser sur les défis auxquels femmes et hommes sont confrontés encore aujourd'hui.
Ce petit volume s'adresse à celles et ceux qui, lorsqu'ils se posent des questions en lisant la Bible, ne se contentent pas de réponses toutes faites. Il montre quels outils d'analyse peuvent être utilisés pour mieux comprendre les difficultés de ces textes.
Chaque chapitre présente un moyen ou une technique à laquelle on peut avoir recours pour étudier rationnellement le contenu de la Bible. Dans la plupart des cas, il s'agit d'outils classiques utilisés pour l'étude des textes anciens dans le cadre des études savantes des sciences historiques et littéraires.
L'application de ces techniques d'analyse aux textes bibliques apporte souvent des éclairages fort utiles et permet de répondre à de nombreuses questions que se posent les lecteurs. La présentation de chaque technique d'analyse est illustrée par un exemple tiré d'un passage célèbre de la Bible et par une question qui se pose à son propos.
Si les dernières décennies du XVIe siècle furent incontestablement le théâtre de cruautés et d'exactions innombrables suscitées par l'explosion d'une haine confessionnelle exacerbée, la France des guerres civiles a aussi été la scène de profonds bouleversements qui ont affecté durablement la manière de penser et de vivre la diversité confessionnelle, l'évolution des théories et des pratiques politiques et jusqu'à l'appréhension d'une chrétienté devenue bipolaire, au coeur de laquelle les considérations religieuses ont parfois fini par transcender les intérêts purement nationaux.
En s'affranchissant d'un récit chronologique traditionnel, ce livre a pour ambition d'éclairer d'un jour différent, au prisme d'une approche thématique, les forces convergentes ou divergentes qui ont structuré ces décennies d'affrontement. En un mitant du XVIe siècle où les sphères politique et religieuse étaient intimement confondues, l'élargissement de la fracture confessionnelle aux strates les plus élevées de la société ne pouvait conduire, à court terme, qu'à la politisation d'une confrontation initialement circonscrite aux débats théologiques. Sans avoir la prétention de tout dire, gageure impossible à relever en quelques chapitres, ce petit livre a pour seule ambition de déplacer le curseur traditionnellement adopté par les historiens afin d'offrir une autre histoire de ces «guerres de religion».
Dieu a-t-il jamais été évident? Si sa présence est remise en cause dans l'actualité du monde et de la pensée, on imagine volontiers que les textes bibliques la défendent inconditionnellement: après tout, ne sont-ils pas les témoins de cette conviction inébranlable que Dieu est partout présent et agissant, que sa providence colle à chaque page? Il est pourtant des textes, à l'intérieur même du corpus biblique, qui résistent à cette évidence-là.
Leur lecture aujourd'hui rejoint nos questions, nos doutes et nos inquiétudes spirituelles. Mais ils sont aussi témoins que Dieu ne fut peut-être jamais une pleine évidence, en aucune époque, et pas même en celles qui ont vu naître, bout à bout, le monument biblique. Se pourrait-il que, contre toute idée reçue, les textes bibliques s'interrogent, alors comme aujourd'hui, sur ce qu'il reste de Dieu dans l'expérience humaine, lorsque celle-ci bute sur l'absurde ou l'éclipse du sens?
Voilà les chemins en friche que ces vagabondages bibliques se proposent d'explorer.
La croix du Golgotha: dans la vie de Jésus, c'est l'événement dont l'historicité est réputée la plus fiable et le sens le plus énigmatique. Qu'un homme meure fait partie de sa condition, dès la naissance. Que le «Fils de Dieu» trépasse constitue un désaveu de la toute-puissance divine. Cette tension accompagne toute l'histoire du christianisme: depuis les origines, les croyants en Jésus ont tenu ensemble la factualité de cette mort en croix, châtiment antique particulièrement cruel, et la nécessité d'en comprendre le sens.
C'est ce saisissant travail d'interprétation que le présent volume collectif, fruit d'un cours public, retrace. Esquissant un parcours de l'apôtre Paul au Coran, en passant par l'Évangile de Pierre ou encore les Actes de Pilate, il s'ouvre sur la réception de la crucifixion au diapason des enjeux écologiques contemporains.
Avec les contributions (par ordre alphabétique) de Frédéric Amsler (éd.), Simon Butticaz (éd.), Andreas Dettwiler, Christiane Furrer, Éric Junod, Daniel Marguerat et Sarah Stewart-Kroeker
«Que Dieu tout-puissant daigne envelopper notre oeuvre de sa grâce, forger en nous une volonté juste, bénir notre discernement et nous rendre heureux dans la confiance de nos peuples. Amen.».
Tenus lors d'un discours radiodiffusé en 1933, ces propos d'Adolf Hitler illustrent toute l'ambiguïté du régime hitlérien à l'égard du christianisme: le nazisme était-il une idéologie fondamentalement hostile à la religion chrétienne ou a-t-il au contraire su exploiter les tendances les plus profondes de l'âme religieuse allemande? Quant aux Églises chrétiennes, ont-elles été ces lieux de résistance au totalitarisme dont les historiens d'après-guerre ont si volontiers chanté les louanges ou bien n'ont-elles été finalement que l'un des nombreux rouages d'une société dévouée tout entière à son Führer?
Ce sont ces questions que l'historien allemand Christoph Strohm aborde dans ce petit livre, devenu un classique outre-Rhin depuis sa publication en 2011. Sans compromission mais sans non plus entamer le procès des acteurs historiques, son propos se veut également une introduction simple d'accès à cette page sombre de l'histoire du christianisme au XXe siècle.
Dans ce texte éminemment intime et poétique, Marion Muller-Colard nous narre, avec une plume tour à tour espiègle et poignante, sa retraite de huit jours dans un centre jésuite, au pied de la Chartreuse. C'est alors l'expérience du jeûne, du silence, un retour sur soi, et surtout : la confrontation avec Dieu. Ce Dieu que l'auteure concevait enfant comme « un gros oeil noir », voilà qu'elle le découvre maître d'art martial, enseignant la souplesse, le relâchement, et l'humilité. Au bout de huit jours de combat spirituel et physique, Marion Muller-Colard redécouvre le coeur de sa foi, empreint de relâchement, et de gratitude.
Le texte est accompagné d'aquarelles de Francine Carrillo.
Décoiffante, la théologie queer a fait son apparition il y a trois décennies au sein de la théologie anglophone, avec comme ambition de perturber et de complexifier des visions théologiques stables, binaires et hétéronormatives de la sexualité et du genre.
Le corps humain, à même la chair, est le lieu où se jouent toutes nos relations. Même si les questions liées au genre et à la sexualité y occupent une place de choix, l'optique retenue dans ce livre vient interroger la théologie tout entière, non seulement pour favoriser l'inclusion de personnes au-delà de la binarité du sexe et du genre, mais aussi pour proposer une autre vision, plus juste, des relations entre êtres humains en société.
Le système blanc patriarcal hétéronormé occidental s'en trouve radicalement remis en question, en dialogue avec une riche palette de sources théologiques, philosophiques et littéraires, de Judith Butler et Marcella Althaus-Reid à Toni Morrison, Karl Marx et Augustin d'Hippone. La théologie gagne à se mettre à l'écoute des diverses voix qui s'expriment en théologie contemporaine, y compris celles issues de la perspective queer, pour interroger et dépasser certains présupposés et certaines pratiques discriminantes dans nos sociétés.
Dans ce texte sans fard ni ambages, Ingrid Thobois décortique ses expériences de voyage, notamment une année de route sur les pas de Nicolas Bouvier, qui lui auront permis de comprendre ce qu'elle avait à faire: presque tout le contraire.
«Moi? «Grande voyageuse»? Allons, le distinguo n'est pas si difficile à faire! Et la paresse seule ne peut expliquer la confusion si répandue entre voyages, missions professionnelles et sédentarité hors frontière. Il se joue donc forcément autre chose dans le fondu de ces notions, qui parle principalement des autres, de leurs manques et de leurs besoins mués en projections, mais qui parle tout de même de moi, au passage. Depuis vingt ans, je ne cesse de me sentir mal à l'aise lorsqu'on me définit par ce qui ne constitua qu'une parenthèse dans ma vie, pleinement vécue, certes, mais qui précisément m'a permis de comprendre ce que je n'étais pas.»
En plus des quatre évangiles bibliques, il existe de nombreux textes sur Jésus écrits au début du christianisme qui n'ont pas trouvé leur place dans la Bible. En particulier les évangiles de l'enfance, qui ont marqué durablement la piété chrétienne - liturgie, traditions festives, représentations picturales. D'autres textes, comme l'évangile selon Thomas, n'ont été redécouverts qu'au XXe siècle.
Dans cette introduction remarquable, Jens Schröter décrit les écrits apocryphes les plus importants sur Jésus, démêle leur chronologie parfois touffue, éclaire leur relation avec les évangiles canoniques et explique leur signification importante pour l'histoire du christianisme.
Un coeur sans rempart est une invitation poétique à vivre l'expérience quotidienne de la méditation chrétienne. A tous petits pas sont abordées les principales étapes que traverse habituellement celui qui désire donner ainsi corps à sa vie spirituelle. En proposant de courts textes magnifiquement écrits et délaissant volontairement le vocabulaire religieux « traditionnel », Marie-Laure Choplin nous offre un splendide voyage spirituel qui atteint le lecteur au coeur
Depuis une dizaine d'années, la réception de l'oeuvre de Jacques Ellul a connu une véritable embellie: méconnu de son vivant en dehors de quelques cercles, le professeur de Bordeaux commence à bénéficier d'une certaine reconnaissance.
Dans le prolongement de l'ouvrage publié en 2012 sous le titre Générations Ellul, le présent volume présente une cinquantaine de portraits de figures elluliennes, de tous les âges et de tous les milieux. De la mairie de Bordeaux à la Corée du Sud, du monde néocalvinien aux États-Unis jusqu'au milieu du militantisme technocritique en France, la planète ellulienne ne laisse pas d'étonner par sa diversité.
Un point commun relie néanmoins tous ces héritiers: la rencontre avec la pensée de Jacques Ellul a bouleversé leur vie, sur un plan professionnel, existentiel, spirituel, et tous cherchent à poursuivre et à incarner des intuitions qui, à leurs yeux, n'ont fait que se confirmer au XXIe siècle.
La Terre martyre montre comment la représentation en images de la vulnérabilité écologique pourrait influencer l'imaginaire éthique en temps de dévastation environnementale. Les représentations de la souffrance peuvent certes façonner des dispositions de soin envers la création.
Mais elles soulèvent également de graves préoccupations éthiques et théologiques. En revisitant l'usage des images classiques du martyr dans le christianisme, Sarah Stewart-Kroeker montre le risque de passer d'une dénonciation à une glorification de la souffrance.
De saint Augustin à Karl Barth, en passant par les théories contemporaines de l'image et une relecture de l'Apocalypse de Jean, l'auteure interroge sur le juste regard à porter sur cette martyrologie nouvelle qui est celle, inédite, de la création dans son entier. Un livre qui incite à élaborer une éthique de l'image pour ne pas détourner le regard de la responsabilité écologique qui nous incombe.
«Une religion de la peur»: c'est avec ces mots que Jean Delumeau, ancien professeur au Collège de France, qualifiait l'histoire du christianisme en Occident, son entreprise de culpabilisation et son obsession de la faute. L'Église n'a-t-elle pas inventé la doctrine du «péché originel» et les affres du «purgatoire»?
Cette sulfureuse réputation appelle clarification. D'où vient-elle? En quoi le Nouveau Testament est-il responsable de cette tyrannie de la culpabilité? Et comment comprendre la fortune du péché dans le sillage du Dieu d'amour annoncé par Jésus de Nazareth?
À la suite d'autres, c'est l'histoire d'un mal(-)entendu que ce petit livre se propose de retracer, examinant la représentation de la faute et du péché que livrent aux origines du christianisme l'homme de Nazareth, Paul l'apôtre ou encore les évangélistes Matthieu et Jean.
De plus en plus de jeunes déconstruisent les normes de genre et les valeurs associées aux catégories femme et homme. Ce sont elles et eux qui, en prenant la relève des mouvements qui militent pour la diversité depuis des années, deviennent les actrices et acteurs d'une révolution sociale qui fait passer dans les usages une vision diversifiée des genres longtemps restée confidentielle.
Mais, alors que les connaissances sur le sujet et les argumentaires militants atteignent de plus en plus largement le débat public, les attaques contre les personnes qui sortent du modèle prépondérant se font plus virulentes, notamment sur les réseaux sociaux.
De Genève à l'Albanie, de l'université à la pop culture, la journaliste Sophie Woeldgen nous entraîne dans une passionnante enquête sur cette question des genres qui secoue et souvent divise nos sociétés.
Où se situe ce Royaume de Dieu dont Jésus a tant parlé? Est-il réservé à la fin des temps, ou au contraire peut-il être saisi, ici et maintenant? C'est en méditant sur la vie, sur l'amour, sur son travail d'aumônier, sur les textes bibliques que Marie-Laure Choplin explore et révèle, d'une plume pleine de force et de grâce, ces instants où le Royaume prend place en chacun de nous.
Dans ces jours de Royaume, tout peut arriver, la violence, l'ennui, la nausée, la panique, l'inutile. J'écris ces mots mais ce n'est pas juste : dans les jours de royaume, il n'y a pas d'étiquette sur les choses. Dans ces jours de Royaume, je vais droit au travers de la vie jonchée de tout. Ce qui gît sans force. Ce qui traîne ivre mort. Les noyés qui dérivent. Les épaves abandonnées qui lacèrent la peau. Les étrangetés inidentifiables pleines de soubresauts. Ce qui s'est pris des gifles à mourir. Ce qui s'est pris du dédain à mourir. Mes jours de Royaume ramassent aussi les visages transparents que les regards traversent, heure après heure, comme des riens. Ils ramassent aussi les bonheurs travestis, incongrus, inattendus, inconvenants, qui ne vont nulle part et avec rien. Mes jours de Royaume ne choisissent pas et ignorent tout du jugement. Ils récoltent tout ce qui est là.
«Religion» est un grand mot, et sa portée très générale masque tout un ensemble d'infimes variations, de subtilités et de modes de présence que l'on saisit mieux en suivant au plus près l'activité religieuse en train de se faire: celle qui au quotidien tisse les liens entre les fidèles catholiques, l'Église et Dieu, cet être invisible que l'activité de chacun contribue à rendre présent, donc observable.
C'est ce qu'entreprend dans ce livre Albert Piette, en prenant pour terrain d'observation les réunions, les célébrations, les conversations et toutes les relations qui font la vie d'un diocèse catholique de France. La première édition de ce livre, en 1999, a d'emblée marqué les sciences sociales des religions par son invitation à «observer les détails», par sa pratique de l'immersion ethnographique appliquée au catholicisme français et par le déplacement théorique que propose Albert Piette, en restituant les mouvements presque imperceptibles de l'activité religieuse ordinaire.
La réédition de ce livre devenu un classique est accompagnée d'une préface inédite de la sociologue Danièle Hervieu-Léger, autrice majeure de la sociologie du catholicisme contemporain, et d'une postface d'Albert Piette lui-même.
Les premiers missionnaires débarqués au Brésil sont confrontés à un curieux paradoxe : alors que les Tupimamba acceptent volontiers la doctrine chrétienne et se convertissent, ils ne renoncent pas pour autant à leurs coutumes féroces, au cycle infernal des guerres intertribales, au cannibalisme et à la polygamie. Cette apparente inconstance, cette oscillation entre respect de la nouvelle religion et oubli de sa doctrine, entraîne finalement les Européens à déclarer que les Tupinamba sont fondamentalement sans religion, incapables de croire sérieusement en une quelconque doctrine. Dans cet essai, le célèbre anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro, figure tutélaire des études actuelles en ethnologie amazonienne, revisite les sources du XVIe siècle pour restituer les enjeux de cette « inconstance de l'âme sauvage », en laquelle se disputeraient deux manières fondamentalement différentes de penser le monde et la société. Il nous invite à remettre en cause, dans une perspective à la fois historique et anthropologique, le rapport entre culture et religion.
Dans la nouvelle édition de cet ouvrage, Philippe Roch répond à la question lancinante des rapports entre culture et nature en recourant à la pensée originale de l'artiste, naturaliste et philosophe Robert Hainard (1906-1999) qui nous appelle à réveiller la part paléolithique de l'humanité pour sortir du repli anthropocentrique qui caractérise notre temps et restaurer une relation holistique, à la fois rationnelle et sensuelle, scientifique et artistique avec la nature, source inépuisable d'émerveillement.
Proche d'Ellul et de Morin, Hainard dénonce le réductionnisme scientiste de notre civilisation. L'observation des animaux sauvages l'a convaincu de l'existence d'une pensée animale qui associe toutes les facultés de l'individu, cérébrales, sensitives, musculaires et intuitives. Selon Hainard, nous vivons dans un monde plein, un espace-temps continu à l'intérieur duquel la vie est échange et chaque individu n'existe que par rapport aux autres.
C'est pourquoi Hainard ressent toute atteinte à la nature comme une mutilation personnelle. Dès les années 1940, il s'est posé en critique de la croissance économique et démographique, et il demeure, avec Aldo Leopold, pionnier de l'éthique environnementale.
Hainard propose une nouvelle civilisation réconciliée avec la nature, une civilisation dotée de techniques à faible empreinte écologique pour permettre une prospérité sans croissance, dans la modération et la plénitude de l'être.
Voici une contribution à ces fabriques de l'identité dont le XIXe siècle a été si prodigue. Les huguenots, sortis très affaiblis des siècles de persécution (ils ne représentent plus que 2% de la population), mais toujours là, peuvent puiser dans leur histoire des titres de durée, de légitimité, d'enseignement et de «gloire».
Ces protestants français deviennent des spécialistes de la commémoration, de la fabrique de lieux et de mots de mémoire, de musées, mais aussi de héros et d'héroïnes (toujours victimaires, mais nous savons, en France, que les vaincus sont autant des fondateurs que les vainqueurs). Ce faisant, ils transforment l'identité du groupe: elle n'est plus seulement religieuse, comme c'était le cas depuis trois siècles; elle devient historique, mémorielle, culturelle. Elle est de plus en plus déconnectée de la pratique et de la croyance, voire de l'endogamie, et capable de se transmettre sur des générations.
C'est aussi un produit de la sécularisation de la société française que cette «huguenotisation» des protestants, ou leur transformation en «protestants de mémoire». On peut avancer qu'elle a contribué à sauver le protestantisme français, qui aurait probablement connu plus de difficultés à survivre dans la société pluraliste globalisée s'il n'avait été qu'une différence religieuse.
Aux États-Unis, pays de refuge et d'adoption après son départ de l'Allemagne à la suite de son opposition au nazisme et où il enseigne depuis 1933, Tillich prêche régulièrement dans des chapelles de campus universitaire. Ses prédications, solidement enracinées dans sa théologie, sont aussi liées au contexte. En fin de guerre, celles publiées en français sous le titre Quand les fondations vacillent proclament que l'Évangile permet d'affronter et de surmonter les malheurs, y compris les plus extrêmes. Dans les années 1950, une paix fragile et menacée s'installe difficilement, et les prédications du présent recueil se centrent sur «le nouvel être», qu'incarne et qu'apporte le Christ: ce nouvel être est amour, liberté et épanouissement, trois termes qu'elles expliquent, commentent et concrétisent.
Dans ce recueil de courts textes, denses et poétiques, Marie-Laure Choplin égrène des situations quotidiennes, des rencontres anodines, des moments en apparence banals ; elle laisse affleurer ses impressions, ses douleurs, ses doutes, ses révoltes, ses joies aussi. Le lecteur parcourt, comme autant d'étapes sur un seul chemin, ce qui fait une vie et ses petits riens. Mais par-delà ces riens, l'auteure nous plonge en réalité dans ce qui constitue le coeur des évangiles : une attention aiguë portée aux choses et aux êtres, un regard sans cesse renouvelé sur le monde, une capacité à se décaler, se mettre en retrait, s'interroger, bref donner à la vie une autre chance, et surtout : s'adosser au message de ce Jésus, à la fois si frêle et si puissant.
Une lecture qui remet la foi déliée de ses artifices au coeur de nos vies.