La narration et le discours rapporté seraient-il spécifiques à l'homme? Analysant des dialogues à l'aide de concepts fondamentaux de la théorie de l'énonciation, l'ouvrage cherche à mieux cerner la fonction langagière. Il est une argumentation destinée à montrer que les langues sont des systèmes sémiotiques permettant de construire des dialogues plutôt que de simples systèmes de communication. Il développe des opérateurs énonciatifs qui laissent des traces dans le texte sous forme de marqueurs (d'opérations) identifiables. Ces outils sont mis en oeuvre dans l'analyse discursive de textes anciens (bibliques et philosophiques) et contemporains (dialogues thérapeute-patient). A travers des chapitres indépendants, l'organisation énonciative fait émerger la fonction dialogique.
Jean-Pierre Desclés, docteur d'Etat en Mathématiques et linguiste, est professeur à la Sorbonne et à l'Institut Catholique (faculté de philosophie). Il est directeur du LaLIC (Langage, Logique, Informatique, Cognition -Paris-Sorbonne). Membre de l'Académie Internationale de Philosophie des Sciences, il a publié des articles sur l'énonciation et la logique.
Gaëll Guibert, docteur en linguistique, est chercheur associée au LaLIC et chargée de suivi et d'expertise de projets de recherche nationaux et européens.
Les romans publiés par Beckett, Pinget et Simon dans les années 1950 créent un indéniable effet de texte " difficile ", auquel le travail des formes langagières n'est pas étranger.
L'expérimentation syntaxique y met constamment à mal la notion de phrase, souvent critiquée, mais bien pertinente. Unité graphique et épilinguistique, elle seule permet de rendre compte des opérations de discontinuité syntaxique, prédicative et énonciative que ces écritures du Nouveau Roman multiplient.
Mais cet essai de méthode n'est pas que descriptif : il montre comment la reconnaissance de patrons stylistiques, ancrés dans l'histoire des formes de la modernité romanesque, contribue à définir un roman phénoménologique. Analyser ces textes en partant de la catégorie de phrase permet non seulement de comprendre ce que peut être une écriture de la conscience et du temps, mais aussi de faire retour sur un moment de la poétique du roman et de la langue littéraire.
La perspective de ce livre est celle d'une rhétorique grammaticale, qui suit la métaphore niveau par niveau, des structures locales jusqu'au texte, avant de s'ouvrir aux questions d'interprétation. Il reconnaît la double dimension des énoncés métaphoriques, dont la structure est déterminée par des mécanismes strictement linguistiques, non spécifiques, mais qui s'ouvrent à une "nouv elle référence", à toute une ontologie. La thèse qui sous-tend l'analyse est que, loin d'être un écart dans la langue, la métaphore illustre cette rationalité émotive qui
Le verbe être est le terme le plus utilisé de la Langue Française. En effet, aucun autre terme de la langue n'accomplit autant de fonctions si différentes les unes des autres. Il est aussi usuel que bizarre, aussi varié que fréquent, aussi simple qu'indispensable. Il nous est tellement familier qu'on ne penserait pas d'emblée à retrouver une étude sur sa nature, son évolution et son fonctionnement linguistiques. En réalité, exception faite des articles du dictionnaire, rares sont les ouvrages entièrement consacrés au verbe être.
Dans ce livre, nous pouvons découvrir à tour de rôle ce que la morphologie, la syntaxe et la sémantique auraient à nous dire à propos du verbe être. C'est au sein du verbe, autour de lui, et tout aussi bien à travers lui, que se sont tissées sa richesse, sa densité et sa polyvalence historiques. On y détermine entre autres quelle distance existe entre chacun de ses composants, en en explorant les possibilités combinatoires, les nuances et les fonctions. On arrive enfin à pouvoir dresser une carte, une topographie détaillée de ses différentes potentialités. Loin d'une prétendue vacuité traditionnelle, cette étude se conclut par l'étonnante constatation d'une positivité avérée au sein du verbe être, et par la redécouverte d'une véritable plénitude discursive qui lui est littéralement consubstantielle.
Persuadée de la vanité des tentatives pour réduire le langage à une sorte de langage logique imparfait, Marion Carel pense que la signification linguistique consiste en possibilités argumentatives premières qui n'ont rien à voir, ni avec les démarches rhétoriques de persuasion, ni avec la déduction raisonneuse. Elle montre dans L'Entrelacement argumentatif comment on peut décrire au moyen d'une combinaison d'argumentations, au sens qu'elle donne à ce terme, à la fois les mots du lexique, les conjonctions et les constructions syntaxiques.
Marion Carel est Maître de Conférences à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Utiliser l'isotopie picturale pour décrire la représentation littéraire, et à l'inverse l'isotopie verbale pour parler de peinture, est une pratique très courante au XVIIe siècle. Il semble même que ce soit le biais privilégié d'un métadiscours critique, et que chacun des deux arts ait largement recours à l'autre pour dépasser une mimèsis toute puissante. L'objectif de cette étude est de montrer que cette pratique du " détour " par un autre art, loin de s'en tenir à de simples transferts métaphoriques validés par la théorie de l'ut pictura poesis et le topos des deux soeurs rivales, témoigne d'une réflexion globale sur la représentation, qui apparaît alors comme fondamentalement intersémiotique.
Le présent de l'indicatif mérite une nouvelle approche, qui permette de repenser sa valeur modale dans les cas où la référence temporelle n'est pas pertinente. Ainsi, dans certains énoncés écrits, sans correspondants à l'oral et à vocation « non communicationnelle », le présent ne renvoie pas à un évènement singulier, ayant lieu à l'instant de parole ou à un autre instant sur l'axe temporel. Il permet de construire un « prototype » situationnel : le procès rédigé au présent est alors un procès non actualisé, non réel mais exemplaire d'une classe ; il admet un ensemble de réalisations en saisie paradigmatique.
Cette valeur « prototypante » du présent s'observe particulièrement bien dans les exemples philosophiques, les textes de loi et les brouillons de textes narratifs. Mais elle n'est attribuable à ce tiroir verbal qu'au sein d'appareils formels complexes, conditionnés par le statut pragmatique spécifique de certains énoncés.
Rose-Marie Gerbe est docteur en linguistique française et chargée de cours à l'Université Stendhal de Grenoble. Ses travaux et publications portent principalement sur le système temporel et le discours écrit.
Réimpression de l'édition de 2010.
Louis Hjelmslev (1899-1965) est l'auteur d'une théorie du langage qui a connu deux rédactions principales, l'une à l'attention des linguistes de son temps, les Prolégomènes à une théorie du langage, l'autre plus technique, demeurée inédite de son vivant, le Résumé d'une théorie du langage.
La thèse de l'ouvrage est que cette « théorie du langage » constitue en fait une épistémologie générale dépassant largement les préoccupations ordinaires des linguistes. Il s'agira donc de l'interroger en fonction de questions épistémologiques majeures : qu'est-ce qu'un objet pour la connaissance ? comment l'objet se donne-t-il à cette connaissance ? et quels sont les moyens mis en oeuvre pour le connaître ?
Cet ouvrage poursuit un double but : dans une première partie, il donne un aperçu global sur les différentes questions linguistiques, politiques et sociales en lien avec la "féminisation de la langue" en allemand et en français. Il met en lumière les questions lexicales (formes et signification des noms utilisés pour désigner les femmes et les hommes), mais aussi la fonction du masculin à valeur générique et les formes de remplacement qui ont été proposées par la critique féministe du langage et qui ont été reçues de manière très controversée.
La deuxième partie de l'ouvrage s'intéresse à la manière dont les discours "spécialisés" ont été reçus par le grand public. Sous quelle forme le sujet controversé de la "féminisation" de la langue est-il débattu par de simples utilisatrices et utilisateurs de la langue oe Il s'avère que le discours vernaculaire reflète et en même temps réorganise les discours spécialisés provenant des espaces francophone et germanophone.
La langue de Sade, et non plus sa pensée ou ses "systèmes", se devait d'être étudiée comme l'est depuis bien longtemps celle de ses contemporains : il fallait montrer en quoi la syntaxe des scènes sadiennes prend sa source dans la langue de son temps, bien plus que dans les fantasmes de leur auteur ; en quoi aussi son lexique obscène se rattache par mille fils non seulement au grand style racinien, qui s'en trouve exsangue, mais aussi à la seconde Préciosité et au marivaudage ou à la langue révolutionnaire. Ces différentes études de style sont en fait conçues comme une propédeutique à l'analyse de la signification des textes sadiens : c'est par la méthodologie de la sémantique textuelle interprétative que se trouve alors étudié ce langage obscène dont un modèle sémantique construit sur le texte même, en dehors de tout codage a priori, permet finalement d'en percevoir l'abstraite inhumanité.
Engagée par une introduction substantielle qui rassemble les principaux paramètres à l'oeuvre dans le processus de substantivation de l'infinitif, replacé en particulier dans l'ensemble typologique des langues romanes, pour aboutir à une grille d'analyse distinguant ses différents degrés, la présente étude, reposant sur un très large corpus d'exemples, en suit l'évolution dans l'histoire du français depuis le plus ancien français jusqu'au français contemporain.
L'Anti-code décrit comment les langues changent, et pourquoi. Destiné aux lecteurs curieux de l'histoire et des langues, aux étudiants, il est rédigé dans un style accessible, avec de nombreux exemples commentés dans des langues très diverses. Chaque chapitre présente une ou plusieurs langues, avec de petits textes expliqués et des indicatio ns sur les phénomènes linguistiques en jeu et ce qu'on peut en comprendre. Les derniers chapitres décrivent les nombreuses façons dont les hommes ont réfléchi sur leurs langues, les rôles qu'ils leur ont assignés, parfois bien à tort, parfois avec beaucoup de finesse sans négliger les débats, et souvent les combats qui ont eu l'histoire des langues pour enjeu, ou pour prétexte.
Au cours des trois dernières décennies, la personnalité de Georges Molinié a marqué la recherche en Lettres. À juste titre, car ses travaux ont soulevé les points les plus cruciaux de la recomposition du paysage intellectuel dans ce domaine. Ses collègues et amis ont souhaité rendre hommage à une pensée de l'art verbal particulièrement englobante et novatrice : le volume intitulé Au corps du texte réunit ainsi quarante contributions de chercheurs et d'anciens doctorants, en France comme à l'étranger, qui se sont associés à ce témoignage d'estime. Ces études s'organisent en trois sections qui répondent aux dominantes de la réflexion de Georges Molinié. La première d'entre elles, Langages de la Première modernité, rassemble des articles consacrés à une période-phare de sa bibliographie, en écho à une position épistémologique qui affirme l'indispensable dépassement des coupures séculaires. La section suivante, Effets de parole, couvre la dimension philosophique et rhétorique du langage en instance d'artistisation. Du discours littéraire, enfin, reflète l'interrogation majeure portée sur les conditions d'avènement de la littérarité et sur ses enjeux, qui ont motivé de nouvelles approches du stylistique, comme phénomène et comme valeur.
L'ouvrage propose la thèse selon laquelle la lecture des oeuvres poétiques de Char et Michaux, comme l'écoute des oeuvres musicales de Messiaen et Jolivet de la seconde guerre mondiale et du direct après-guerre, permettent au lecteur contemporain d'exorciser la violence de la Shoah en opposant, par la réception de ces oeuvres, à la violence du logos une mise au travail de ce dernier engageant un devenir-autre du récepteur. Ce devenir-autre, ou cette altérisation du récepteur, repose sur un fonctionnement contradictoire de la perception de ce dernier, qui s'effectue tout en s'érodant ou s'auto-déconstruisant, donnant ainsi lieu à un brouillage de sa réception des oeuvres.
L'enjeu de l'ouvrage est donc triple : il s'agit d'une part de mettre à nu, par une analyse suivie des oeuvres poétiques et musicales, les marques sémiotiques de cet exorcisme, en cernant les manifestations du brouillage et de l'altérisation qui le fondent ; d'autre part, de proposer une approche sémiotique comparée de la musique et du langage ayant pour vocation de mieux cerner les zones de départ nécessaires et de contact possibles de ces deux domaines. Enfin, cette démarche analytique comparée sert d'assise à une visée plus générale : proposer un modèle de pensée de l'art non normatif, où l'esthétique, par le devenir-autre qu'elle implique, est éthiquement fondée.
La présente étude vise à donner une certaine idée de la façon dont la langue basque a changé au cours des deux millénaires écoulés. L'absence de langue apparentée connue et la rareté des archives antérieures au XVIe siècle obligent dans ce contexte à utiliser un plan de travail basé sur la reconstruction interne, les études diachroniques générales et la typologie. Après avoir présenté le diasystème basque contemporain et les principaux acquis et hypothèses des études diachroniques basques, l'étude procède en deux temps : elle propose des amorces de scénarios de changement d'origine interne puis tente de comprendre comment et dans quelle mesure des phénomènes de diffusion aréale ont pu jouer un rôle dans l'évolution du diasystème basque. L'étude se conclut par un bilan problématisé de l'évolution supposée du diasystème basque pendant la période étudiée.