Gallimard
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«Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !»Bernard Pingaud.
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«Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu'ils n'ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu'ils jettent l'un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n'est jamais tout à fait dit dans l'un, jamais tout à fait dit dans l'autre, mais seulement dans leur fragile intersection.L'un de ces textes appartient tout entier à l'imaginaire : c'est un roman d'aventures, la reconstitution, arbitraire mais minutieuse, d'un fantasme enfantin évoquant une cité régie par l'idéal olympique. L'autre texte est une autobiographie : le récit fragmentaire d'une vie d'enfant pendant la guerre, un récit pauvre d'exploits et de souvenirs, fait de bribes éparses, d'absences, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, d'anecdotes maigres. Le récit d'aventures, à côté, a quelque chose de grandiose, ou peut-être de suspect. Car il commence par raconter une histoire et, d'un seul coup, se lance dans une autre : dans cette rupture, cette cassure qui suspend le récit autour d'on ne sait quelle attente, se trouve le lieu initial d'où est sorti ce livre, ces points de suspension auxquels se sont accrochés les fils rompus de l'enfance et la trame de l'écriture.»Georges Perec.
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«Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles Orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement.»Matthieu Galey.
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Tous les livres que j'ai écrits ont été précédés d'une phase, souvent très longue, de réflexions et d'interrogations, d'incertitudes et de directions abandonnées.À partir de 1982, j'ai pris l'habitude de noter ce travail d'exploration sur des feuilles, avec des dates, et j'ai continué de le faire jusqu'à présent. C'est un journal de peine, de perpétuelle irrésolution entre des projets, entre des désirs. Une sorte d'atelier sans lumière et sans issue, dans lequel je tourne en rond à la recherche des outils, et des seuls, qui conviennent au livre que j'entrevois, au loin, dans la clarté.A. E.Parallèlement à ses romans, Annie Ernaux tient un journal d'avant-écriture ; une sorte de livre de fouilles, rédigé année après année, qui offre une incursion rare de «l'autre côté» de l'oeuvre.Plongé au coeur même de l'acte d'écrire, le lecteur devient témoin du long dialogue de l'autrice avec elle-même : la pensée taillée au couteau, des idées en vrac, des infinitifs en mouvement ; des associations de mots, de morceaux de temps, et de confidences.Pour la réédition de L'atelier noir, Annie Ernaux a souhaité augmenter l'ouvrage de pages inédites de son journal de Mémoire de fille.
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Mademoiselle : Les rêves interdits ou L'autre versant du rêve
Jean Genet
- Gallimard
- L'imaginaire
- 4 Avril 2024
- 9782073057976
«Une fois dans la rue, sur ses hauts talons, Mademoiselle marcha très vite, passant de préférence dans les zones d'ombre. Le bourg était effrayant de silence et de solitude. En se dissimulant, elle prit un petit sentier, et, tout en marchant, comme en cachette, la dissimulant dans sa main renversée, elle alluma une cigarette et fuma.» Mademoiselle, jeune institutrice dans un village de Corrèze, a pris l'habitude d'arpenter la campagne, de nuit, pour y provoquer incendies, inondations ou empoisonnements... Autant de méfaits imputés, selon les préjugés xénophobes des villageois, à un bûcheron polonais, Manou, qu'elle adore en secret... Dans un style réaliste et épuré, Jean Genet nous plonge au coeur du monde rural de son enfance, vécue dans une famille d'accueil à Alligny-en-Morvan. Ce bref récit, scénarisé suivant le tempo d'un thriller, nous glisse dans la peau d'une héroïne insaisissable et amorale. Partout s'y déploie la poésie d'une réflexion gorgée de soufre sur le désir et le mal. D'abord présenté à Anouk Aimée durant l'été 1951, ce script éveilla la curiosité de plusieurs réalisateurs - Louis Malle, Georges Franju ou Joseph Losey -, avant d'être adapté par Tony Richardson en 1966, avec Jeanne Moreau dans le rôle-titre. À ce jour inédit, Mademoiselle permet de sonder l'intime envie de cinéma chez Genet et jette une lumière nouvelle sur son oeuvre : lueur noire, crue et traîtresse.
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Passage de l'Odéon : Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l'entre-deux-guerres
Laure Murat
- Gallimard
- L'imaginaire
- 25 Avril 2024
- 9782073062116
«Indiscutablement, c'est un grand bonheur que de rendre à nouveau hommage à Adrienne Monnier et Sylvia Beach, avec lesquelles j'étais, comme on dit au Québec, "tombée en amour" il y a deux décennies. Me réimmerger dans leur monde n'a fait que confirmer ce sentiment inaltéré pour deux libraires intrépides, articulées, drôles, énergiques, sans peur ni reproche. Elles ont été mes héroïnes, elles le demeurent, intactes.» En 1915, Adrienne Monnier inaugure au 7, rue de l'Odéon une librairie-bibliothèque de prêt, La Maison des Amis des Livres, appelée à devenir le rendez-vous favori du Tout-Paris littéraire. En 1921, Sylvia Beach installe en face, au n°12, Shakespeare and Company. L'«Odéonie» va constituer l'un des foyers les plus actifs de la vie culturelle de l'entre-deux-guerres, dont la renommée franchira les frontières de la France avec la parution d'Ulysse de James Joyce, édité en 1922 par Sylvia Beach, puis traduit en français en 1929 grâce à Adrienne Monnier. Un lieu mythique de partage et de rencontres pour Aragon, Gide, Sarraute, Breton, Fargue, Beauvoir, Leduc, Stein, Toklas, Hemingway. Dans un Paris agité de passions et fou de livres, Laure Murat nous entraîne dans un récit vivant, sur les pas de deux libraires hors du commun, sans lesquelles notre paysage littéraire serait aujourd'hui très différent.
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Esther Greenwood, dix-neuf ans, est à New York avec d'autres lauréates d'un concours de poésie organisé par un magazine de mode. De réceptions en soirées passées pour tuer le temps, ce sont quelques jours d'une existence agitée et futile que vit la narratrice. En même temps, elle se souvient de son enfance, de son adolescence d'étudiante américaine, des amours qu'elle a connues. Tout bascule lorsque Esther quitte New York. Tentatives de suicide, traitements de choc, guérison, rechutes, et, pour finir, l'espoir. Esther est à la fois «patiente» dans l'univers hospitalier et observatrice au regard aigu de ce monde, qui a pour toile de fond l'Amérique des années 1950.
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«L'Interzone » ne figure sur aucune carte. C'est un dédale de rues, situé quelque part entre New York et Tanger, entre les deux pôles d'un cerveau sous drogue. C'est là que se réfugie William Lee après avoir accidentellement tué sa femme. Persuadé d'être un agent secret, Lee commence à rédiger des rapports pour une mystérieuse corporation internationale, rapports qu'il tape à la machine à écrire, partenaire organique, grouillante comme un véritable cafard.Dans le chef-d'oeuvre de Burroughs, cet ovni littéraire dont on fait l'expérience plus qu'on ne le lit, des notes éparpillées et des récits inachevés s'assemblent en une réflexion terrifiante sur l'écriture. Débauche, délires psychédéliques et critique politique s'écrivent dans un style qui s'invente.La mélodie de la petite horreur quotidienne du camé transporte le lecteur au pays des extases surréalistes.
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Dans un futur lointain, les humains vivent enfermés dans une cité de verre, la nature étant bannie derrière la Muraille Verte. Assujettis au bonheur obligatoire dicté par le tout-puissant Bienfaiteur, les hommes sont devenus de simples numéros à qui chaque écart peut coûter la vie. Les rêves et l'amour sont considérés comme des maladies mentales, l'activité sexuelle régulée par l'État Unique. A-503, le constructeur du vaisseau spatial l'INTÉGRALE, tient un journal à la gloire de cet univers totalitaire. Grâce à sa rencontre avec I-330, une femme extravertie et rebelle, le héros redécouvre peu à peu l'essence de son âme. Autour, la révolution gronde... Anti-utopie prophétique, Nous est considéré comme le premier chef-d'oeuvre de la science-fiction, celui qui inspirera 1984 à George Orwell et Le meilleur des mondes à Aldous Huxley. Cet ouvrage traverse le temps pour nous délivrer un message d'une puissance philosophique et politique inouïe. Cette toute nouvelle traduction propose le texte complet établi d'après l'unique manuscrit d'auteur retrouvé à ce jour. Il est suivi de Seul, la première nouvelle du grand écrivain russe.
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«L'Aleph restera, je crois, comme le recueil de la maturité de Borges conteur. Ses récits précédents, le plus souvent, n'ont ni intrigue ni personnages. Ce sont des exposés quasi axiomatiques d'une situation abstraite qui, poussée à l'extrême en tout sens concevable, se révèle vertigineuse.Les nouvelles de L'Aleph sont moins roides, plus concrètes. Certaines touchent au roman policier, sans d'ailleurs en être plus humaines. Toutes comportent l'élément de symétrie fondamentale, où j'aperçois pour ma part le ressort ultime de l'art de Borges. Ainsi, dans L'Immortel : s'il existe quelque part une source dont l'eau procure l'immortalité, il en est nécessairement ailleurs une autre qui la reprend. Et ainsi de suite...Borges : inventeur du conte métaphysique. Je retournerai volontiers en sa faveur la définition qu'il a proposée de la théologie : une variété de la littérature fantastique. Ses contes, qui sont aussi des démonstrations, constituent aussi bien une problématique anxieuse des impasses de la théologie.»Roger Caillois.
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«Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XX? siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires. Le jazz, les amis, l'amour fou - d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être... car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortazar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence.» Florence Delay.
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Une enfant de huit ans qui engage le combat contre l'institutrice qui la traite de «sale Juive» ou de «sale bicote». Une écolière qui ne se soumet pas au culte rendu à Pétain dans les écoles, du temps de Vichy. Une adolescente qui se révolte contre le Dieu des Juifs, parce qu'il n'accorde pas leur place aux femmes. Une jeune avocate qui refuse de prêter le serment traditionnel, parce qu'elle le juge trop servile... Parcours d'une rebelle, qui permet de retrouver les moments forts d'une vie marquée par des combats difficiles, voire dangereux.
Défense des militants du F.L.N. pendant la guerre d'Algérie, ce qui lui vaut d'être arrêtée par les militaires putschistes. Procès de Bobigny sur l'avortement, cause des femmes, Gisèle Halimi ébauche ici une nouvelle réflexion sur le féminisme, née de la tendresse et des contradictions d'«une jeune mère indigne» à l'épreuve d'«un couple impossible». Bien des hommes et des femmes célèbres traversent cette histoire passionnée. Coty, de Gaulle, Giscard, Mitterrand, Chirac, Simone Veil, Bourguiba ou encore Camus, Sartre, Simone de Beauvoir... Peints souvent avec amitié, quoique toujours sans complaisance et parfois d'une plume acérée. Mais, sans doute, pour cette actrice et témoin privilégiée de quelques événements importants de notre époque, le vrai grand homme a-t-il été Édouard, cette figure paternelle à laquelle elle revient toujours, par-delà la vie et la mort, et qu'elle appelle «le magicien». -
Juan preciado arrive au village de comala à la recherche de son père inconnu, pedro paramo.
Pour accompagner ce télémaque nu-pieds dans sa contre-odyssée, nous devons traverser avec lui une rivière de poussière. l'autre rive est celle de la mort, où règne un cadavre qui fut maître de toutes les vies : le cacique pedro paramo, ulysse de pierre et d'argile, immobile et impuni, entouré d'une cour de rumeurs et de spectres : la mère et amante doloritas, jocaste-eurydice qui conduit le fils et amant, oedipe-orphée, sur les chemins de l'enfer ; susana san juan, electre à l'envers ; les vieilles virgiliennes- eduwiges, damiana, la cuarraca -, fantômes de fantômes, fantômes qui contemplent leurs propres fantômes ; les couples de frères édéniques et adamiques qui dorment ensemble dans la boue de la création pour recommencer le genre humain dans le désert de comala...
Juan rulfo accroche à l'arbre sec et nu de la révolution mexicaine quelques fruits d'un sombre éclat : fruits doubles, fruits gémeaux auxquels il faut goûter si l'on veut vivre, tout en sachant qu'ils contiennent les sucs de la mort. car cette histoire d'un cacique, de ses femmes, de ses tueurs et de ses victimes se situe dans le territoire privilégié du surréalisme : cet espace de l'esprit où, selon andré breton, la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, cessent d'être perçus comme contradictoires.
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«Je m'efforçais de mettre mes pieds où elle avait mis les siens et cela m'obligeait à faire de grands pas pénibles. Parfois mes bottes trop grandes collaient à la boue. J'arrachais mon pied de la botte, la botte à la boue, je la remettais. J'essayais de la rattraper. Elle allait loin devant avec la lampe, et moi j'étais dans le noir à patauger.» La narratrice, Marie, jeune bâtarde, parle de sa mère. Sa mère, c'est Génie la folle, cette fille de bonne famille qui, déshonorée, s'est faite domestique agricole. Sa mère, c'est ce mutisme terrible qui encaisse la rudesse d'une vie rurale semée de secrets. Collée à une ombre, Marie suit et attend, sans cesse, dans la crainte d'être abandonnée. Dans un style poétique désarmant et naïf, avec la pudeur de ceux qui ont trop souffert, la jeune Marie évoque avec
ses yeux d'enfant le froid monde du dehors. Résiliente, portée par un amour immense, elle transforme la boue en beau. Poignant tableau dans lequel coexistent la bassesse de l'âme et la plus grande pureté, le roman d'Inès Cagnati est une déflagration. -
Dans ce voyage intérieur, le narrateur s'adresse à l'équipage d'un bâtiment immobilisé sur la Tamise, attendant la marée pour appareiller. S'ensuit une improbable expédition au coeur d'un continent inquiétant, peuplé d'indigènes invisibles et menaçants et de trafiquants d'ivoire. Avec une interview : Mathias Enard, pourquoi aimez-vous Au coeur des ténèbres ?
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«Tu as craint longtemps que les baisers, même parcimonieux, que tu te résolvais toujours difficilement à leur donner, fussent des douceurs empoisonnées, ne continssent de la mort, une mort invisible que tu aurais inoculée sciemment.» Alors que l'épidémie de sida fait des ravages, Christophe Bourdin apprend sa séropositivité. Il n'a pas encore trente ans. Étudiant en lettres, bientôt professeur, il est habité par le désir d'écrire. Dans le roman et les pages du journal, il raconte la crainte de la maladie, puis la maladie elle-même. L'auteur s'y donne tout entier, sans rien cacher. Le livre, l'un des premiers grands textes littéraires sur le sida, forme une prouesse d'écriture inouïe, dont la structure épouse le cours du temps. Celui des hypocondries, d'une vie qui bascule l'air de rien. Celui de l'agonie, racontée sans détourner le regard. Et le «temps du rêve», pourtant sans futur. Dans la veine d'Hervé Guibert, le texte est à la fois récit d'apprentissage, vision d'une souffrance qui arrache le coeur et souvenir d'une mémoire commune.
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«Toutes les mythologies parlent, soit d'un centre original du monde, soit d'un arbre sorti de terre et qui gagne le ciel, soit d'un mont sacré, en tout cas d'une possibilité de communication avec l'au-delà. Or, il faut que cette possibilité existe, que l'arbre ou la montagne soit là pour de vrai, au même titre que l'Éverest ou le mont Blanc. C'est ce que pense l'auteur du récit et il réunit une expédition pour découvrir le mont Analogue. La description des membres de l'expédition permet à René Daumal d'exprimer sa fantaisie. La base du mont est finalement découverte : c'est la courbure de l'espace qui empêchait de la voir. Le récit est inachevé, mais il est assuré que l'expédition, qui a disparu à nos regards de lecteurs, poursuit son ascension. Naturellement, les personnages et les circonstances du Mont Analogue sont symboliques : telle est la littérature quand elle se veut utile à l'homme. Dans la circonstance, elle éveille doublement, car toutes les phrases portent. Cela tient à l'intelligence très personnelle de René Daumal et à ce qu'on pourrait appeler son lyrisme de l'ironie.» Roger Nimier.
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Ce n'est pas un livre, ce sont des histoires qui se regardent. C'est un peu comme si on mettait un livre dans un miroir et puis, ce que l'on voit de l'autre côté du miroir, c'est le contraire. C'est l'image inverse.G. P.Publié à titre posthume en 1989, «53 jours» est le roman sur lequel Georges Perec travaillait au moment de sa mort, le 3 mars 1982. Le livre comprend, d'une part, ce que l'auteur avait déjà rédigé, soit onze des vingt-huit chapitres prévus ; d'autre part, un abondant dossier de notes préparatoires et de brouillons, permettant un déchiffrement et une reconstitution de l'ensemble de l'histoire.Une fois de plus, Perec ne se limite pas au romanesque.Le livre dépasse le simple récit policier : des intrigues parallèles, emboîtées, souvent non résolues, se greffent à la trame principale. Autant de faux-semblants, de fausses pistes qui viennent questionner la fiction et le rôle du lecteur.C'est bien l'oeuvre la plus énigmatique de l'auteur, et l'une des plus singulières. Une belle occasion d'assister à un mouvement arrêté dans son cours, un travail laissé sur la table, comme un aperçu du cerveau d'un des grands noms de l'Oulipo.
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Est-ce que les femmes dérangées dérangent ? Marion Leatherby, dont le loisir favori est le tricot de poils de chat, a quatre-vingt-dix-neuf ans et vit au Mexique chez son arrière-petit-fils. Presque sourde, elle est ravie du cornet acoustique que lui offre son amie Carmella. Grâce à lui, Marion découvre que sa famille complote pour se débarrasser d'elle... La voilà placée dans une maison de retraite où une tribu de dames habite d'étranges maisons aux formes d'igloos et de gâteaux d'anniversaire, sous le patronage du Docteur Gambit, un gourou tordu. Le regard d'une abbesse lubrique vient faire dérailler plus encore cette mécanique mal huilée. Sur les pas de Marion s'ouvre alors une quête surréaliste vers des univers en devinettes, des orgies psychédéliques et des escaliers vertigineux. Une recréation exubérante du monde que nous connaissons. Avec ce roman d'apprentissage à rebours, Leonora Carrington entraîne le lecteur dans une suite de péripéties déroutantes, dans les perfidies du monde et le cosmos. Grande farce noire, récit initiatique sur le temps qui passe et jumeau occulte d'Alice au pays des merveilles, Le cornet acoustique est un grand texte surréaliste, injustement oublié.
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Pensé comme un roman de formation et d'émancipation, l'ouvrage retrace l'itinéraire amoureux de Thérèse, l'alter ego de Violette Leduc, de l'adolescence à la maturité. Thérèse aime Isabelle, puis Cécile, puis Cécile et Marc, puis Marc. Jugé obscène, Ravages est censuré en 1955. Le livre paraît amputé des cent cinquante premières pages (Thérèse et Isabelle) et de plusieurs passages clés (les scènes du taxi, de la chambre d'hôtel et de l'avortement final). «C'est un assassinat» pour Violette Leduc. La censure déséquilibre l'ouvrage et en modifie la portée. Ravages est un roman mort-né. Aujourd'hui, pour la première fois, Thérèse et Isabelle retrouve Ravages. L'Imaginaire propose une édition hors-série annotée et augmentée des passages censurés, repérés à l'encre violette. L'occasion unique de redécouvrir le roman subtil et engagé d'une pionnière féministe.
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À la mort de ses parents, Niki de Saint Phalle entame l'écriture d'un cycle autobiographique. Elle explore la mémoire familiale à la recherche de réponses à rebours du temps, fouillant l'Histoire depuis la Grande Dépression jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, de sa naissance à son mariage avec Harry Mathews. Traces constitue l'un des trois temps de ce projet intime dans lequel l'artiste nous invite. Dans un style volontairement naïf, elle raconte ses parents, New York, les châteaux, l'enfance, la guerre, les jeux, les joies, les rêves et les peines. Les drames n'apparaissent qu'entre les lignes ; le traumatisme initial est partout et nulle part à la fois. Dans ce vrai livre-trésor, Niki de Saint Phalle nous offre en dessins, en photos et autres merveilles colorées les clés de son imaginaire. Bien plus qu'une autobiographie illustrée, Traces est un portrait artistique d'une grande délicatesse, un tête-à-tête intime avec l'une des plus grandes artistes du XX? siècle.
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La tour d'amour, un des plus célèbres romans de Rachilde, met en scène le huis clos oppressant de deux hommes isolés dans le phare d'Ar-Men. Comme des prisonniers, Mathurin Barnabas et le jeune Jean Maleux luttent contre les vagues déchaînées et entretiennent les feux pour guider les navires au large d'Ouessant. Tout autour, la mer gronde. Un jour, alors que des marins viennent de s'échouer sur les côtes, Maleux découvre la morbide passion que nourrit Barnabas... Conte caustique, romantique et tourmenté, La tour d'amour nous précipite dans un cauchemar qui fait se rencontrer la cruauté de la mer et celle des hommes. Terrible et puissant, le livre brûle d'une beauté noire et crée le scandale dès 1899. Chef-d'oeuvre de la littérature fin-de-siècle, il marie symbolisme et naturalisme, tout en révélant la face obscure de la Belle Époque.
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Les héroïnes de ces cinq nouvelles semblent avancer à tâtons, hésitant entre parole et silence, caressant un langage qui étouffe autant qu'il délivre. Si les mots sont des masques et de frêles passerelles, si la conversation se fait mouvement désarticulé, faut-il alors croire à l'ellipse pour se rapprocher de soi-même ? Pauline, Geneviève, Julie, Stéphanie et Valentine, les héroïnes des Mots de hasard, peinent à se rencontrer dans l'ordinaire de la vie, comme si une mince membrane les éloignait du monde, toutes entraînées cependant par un élan qui les porte vers l'Autre. Un quotidien fait d'amour anxieux, de pur désir, d'une mélancolie en points de suspension. Délicat, le livre mêle rêve et réalisme dans une langue sensible et libre. Avec ce recueil, son premier, Mireille Best atteint sa vérité. «Simplement le nom donné à ce qu'on cherche et qui se dérobe sans cesse», comme l'écrit Annie Ernaux, qui a longtemps correspondu avec cette autrice injustement oubliée.
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«La première lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo, datée d'août 1872, est envoyée de La Haye. Il a dix-neuf ans. Il ne sait pas qu'il va peindre. La dernière lettre, inachevée, Théo la trouve dans la poche de Vincent qui s'est tiré une balle dans la poitrine le 27 juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Des dizaines de toiles encombrent sa chambre. Presque quotidiennement, pendant dix-huit ans, Vincent a écrit à Théo. Et Vincent écrit à propos de tout à Théo comme il lui envoie toutes ses toiles. Il lui montre ce qu'il peint comme ce qu'il est. Ces lettres incomparables - des récits, des aveux, des appels - sont nécessaires pour découvrir le vrai Van Gogh devenu mythe... Il n'est pas un peintre fou. Au contraire, solitaire, déchiré, malade, affamé, il ne cesse d'écrire, lucide, comme il traque la lumière.» Pascal Bonafoux.