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Sciences humaines & sociales
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René Girard avait écrit en 1972 : « La violence essentielle revient sur nous de façon spectaculaire, non seulement sur le plan de l'histoire, mais sur le plan du savoir. » Il s'est éteint dans la semaine qui a précédé les attentats du 13 novembre 2015. Il n'avait rien d'un prophète de malheur. Sa pensée donne forme et sens à notre avenir. Nous devons réentendre sa voix.
Il m'a fallu répondre au choc de deux événements conjoints : la mort d'un maître et d'un ami, et les horreurs parisiennes. Ces réalités constituent une énigme où se confrontent l'invisible et le monstrueux, la violence et le secret, l'élégance et l'obscénité. Elles m'ont forcé à évoquer les « derniers jours » : ceux de René Girard et la fin des temps qu'il pensa dans son oeuvre.
Mais beaucoup se sont mépris sur son pessimisme. L'annonce d'un démembrement du monde révélait moins la mélancolie d'un romantique que la joie du Royaume entrevu un soir d'été en Avignon ou dans le silence parfumé de Stanford. J'ai voulu rendre présent ce penseur apocalyptique qui fut drôle et discret, dont l'espérance était profonde.
Ce livre raconte une amitié. Il présente l'oeuvre de Girard dans la lumière rétrospective que constitue sa fin. C'est au « jour de colère » que se fait entendre la parole. La sienne et celle des textes qu'il sut génialement interpréter : les Evangiles, Shakespeare, Stendhal ou Proust garderont longtemps pour moi l'accent du Midi. -
Achever Clausewitz
René Girard, Benoît Chantre
- Le Livre de Poche
- Biblio Essais
- 23 Octobre 2024
- 9782253247616
Lorsqu'au printemps 2006, René Girard et Benoît Chantre décidèrent d'écrire sur Carl von Clausewitz (1780-1831), la guerre froide semblait révolue. Quant à la « vieille Europe », elle feignait de penser qu'elle avait exorcisé ses conflits séculaires. Délibérément apocalyptiques, ces entretiens sur l'échec du christianisme historique et le crépuscule de l'Occident s'achevaient sur un plaidoyer pour la relation franco-allemande et les figures qui l'incarnèrent. Quinze ans après sa parution, leurlivre continue de susciter un immense intérêt. En 2007, c'étaient les actes suicidaires du djihad que les auteurs interrogeaient en relisant De la guerre. L'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, en 2022, tout en s'inscrivant dans la brèche ouverte par le 11 Septembre, laisse présager un conflit d'une ampleur inédite depuis 1945. Ces échanges riches et denses n'ont donc malheureusement pas pris une ride.
Écrit d'une plume claire et alerte, l'ouvrage peut se lire de deux manières. Soit comme une belle initiation à l'univers girardien. Soit comme un essai conclusif, qui vient exaspérer les élans d'un auteur hanté par la fin du monde. Jean Birnbaum, Le Monde.