HÉLOÏSE ET ABÉLARD: deux noms bien et mal connus; en réalité, une " très haute histoire d'amour ", vécue au siècle de Tristan et Iseut.
Cette page "d' amours célèbres " qui fut quelque peu travestie au XVIIIe siècle et romancée au XIXe nous apparaît aujourd'hui dans sa vérité, à travers une correspondance dont l'authenticité est désormais reconnue, avec des accents étonnamment modernes; c'est l'échange entre deux êtres séparés par la vie, engagés malgré eux dans une voie de renoncement et qu'une dialectique passionnée amène, l'un par l'autre, à la sainteté.
Pour toile de fond : l'Université de Paris, ou plutôt, ses prémisses, frayant sa voie parmi les vignobles de la Montagne Sainte-Geneviève, l'art roman dans son plein épanouissement, avec déjà ces recherches vers " l' architecture raisonnée " et la voûte gothique, l'essor de la logique qui donnera leur structure aux grandes sommes médiévales.
Dialectique du couple, affrontement de la passion et de la philosophie, de la foi et de la raison, et, pour finir, triomphe d'un amour au-dessus de l'amour, sont ici évoqués avec les confidences mêmes laissées par les acteurs de ce grand drame humain à deux personnages.
Inquiétudes à l'Est, remous dans le Proche-Orient, effervescence dans le monde des étudiants, réforme de l'Eglise, et jusqu'à la peur de la drogue, ces problèmes de notre temps ont été aussi ceux qui préoccupèrent notre XIIIe siècle. Et une femme domine le XIIIe siècle, au moins dans sa première partie : Blanche de Castille. Il est frappant pour nous de voir cette femme assumer la charge du royaume et mener résolument une politique différente de celle des rois qui l'avaient précédée.
Blanche de Castille, dont les manuels d'histoire ont figé la physionomie en quelques anecdotes stéréotypées, est ici étudiée, non pas seulement d'après les oeuvres littéraires - eussent-elles le charme et la saveur d'authenticité de celle de Joinville - mais autant que possible d'après les textes proprement historiques : enquêtes, correspondances, traités, rôles de comptes, etc. De cette étude rigoureuse se dégage une silhouette contrastée : celle d'une forte personnalité féminine - à l'image de son aïeule Aliénor d'Aquitaine -, une beauté très courtisée en même temps qu'une épouse exemplaire et une mère parfaite, une femme impulsive et ferme, une reine attentive au peuple et passionnée de justice : au total un personnage digne de cette cathédrale Notre-Dame de Paris dont la nef et les tours s'élèvent au rythme de sa propre existence.
Le 25 août 1270, Louis IX meurt devant Carthage. Le lent et solennel convoi funèbre qui ramène jusqu'à Saint-Denis les ossements du saint Roi semble présager, avec ses étapes tragiques, l'assombrissement qui va suivre. Et curieusement le déclin des mentalités précède les grandes catastrophes dont sera victime, au cours du xive siècle, le royaume de France. S'il est un temps en effet pour lequel on peut employer sans crainte d'exagération les termes trop souvent galvaudés de mutation, d'évolution, de tournant de l'Histoire, c'est bien celui qui suit immédiatement le règne de Saint Louis. A une époque lumineuse, celle que peuvent symboliser pour nous les vitraux de la Sainte-Chapelle, succède un long et angoissant crépuscule.
Ce déclin touche le régime même de la féodalité et les usages régissant alors les relations des hommes entre eux et avec la terre qui les fait vivre; il frappe aussi les fondements de la pensée ou de l'expression artistique. Des changements profonds s'amorcent qui transformeront le visage de l'Occident.
Peut-être un sommet avait-il été atteint, après lequel le déclin était inévitable ? C'est en tout cas l'occasion de constater à quel point sont impliqués et indissolublement liés dans l'Histoire l'homme et l'événement.
Régine Pernoud, conservateur honoraire aux Archives Nationales, a fait paraître sur le Moyen Age de très nombreux ouvrages qui font autorité : Vie et mort de Jeanne d'Arc, Les Croisades, Aliénor d'Aquitaine, La Reine Blanche, Pour en finir avec le Moyen Age, La Femme au temps des cathédrales.