Vérité et Histoire est un ouvrage important à plus d'un titre. Il propose d'abord une réflexion fondamentale qui s'amorce avec les questions : qu'est-ce que la théologie ? Où opère-t-elle ? En vue de quoi ? En ce sens, ce texte vaut comme introduction à la théologie.
Cet ouvrage se présente ensuite comme une tentative de préciser le statut et la tâche de la théologie au coeur de la modernité, d'une façon qui soit à la fois rigoureusement théologique, donc critique - le théologien refusera de sacrifier aux dieux de la modernité - et à la fois délibérément en prise sur son époque - la théologie chrétienne ne vit pas de la nostalgie des paradis perdus mais de la vocation à « traduire » l'Evangile dans des cultures changeantes.
Ce texte présente enfin le premier exposé d'ensemble de l'oeuvre de E. Kâsemann, l'un des exégètes et historiens du Nouveau Testament les plus significatifs de ces dernières décennies. A ce titre, il tente un décloisonnement des disciplines théologiques : un dogmaticien élabore ici sa réflexion au gré d'une lecture serrée de l'oeuvre d'un exégète. Du coup, on entre dans le débat largement ouvert aujourd'hui touchant la validité des méthodes historico-critiques en théologie. Ce travail voudrait faire entendre que la vérité et l'histoire sont en conflit, mais qu'il s'agit d'un conflit légitime. C'est en effet dans ce conflit et le corps à corps qu'il suppose que la théologie peut devenir véritablement théologique, et non idéologie religieuse, comme c'est là également que l'histoire peut devenir mémoire de l'humanité et ouverture à l'avenir, et non positivisme, secrètement nihiliste ou sourdement totalitaire.
Né en 1947, Pierre GISEL a travaillé comme journaliste et pasteur de paroisse. Il est actuellement professeur de théologie moderne et contemporaine aux Universités de Lausanne, Genève et Neuchâtel. Il travaille aussi comme co-animateur de l'« Atelier oecuménique de théologie », vaste et riche entreprise de formation des laïcs. Il assure en outre la direction théologique de la maison Labor et Fides.
"Cet ouvrage paraît à l'occasion de la création à Lausanne, lors de la semaine sainte 2017, de La Passion selon Marc. Une passion après Auschwitz du compositeur Michaël Levinas. Cette création prend place dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme protestante. Elle entreprend de relire le récit chrétien de la passion de Jésus dans une perspective déterminée par la Shoah.
Ce projet s'inscrit dans une histoire complexe, celle de l'antijudaïsme chrétien, dont la Réforme ne fut pas indemne, mais aussi celle des interprétations, théologiques et musicales, de la passion de Jésus de Nazareth. Et il soulève des questions lourdes, mais incontournables. Peut-on mettre en rapport la crucifixion de Jésus - la passion chrétienne - et l'assassinat de six millions de juifs ? Ne risque-ton pas d'intégrer Auschwitz dans une perspective chrétienne, et du coup de priver la Shoah de sa radicale singularité ? De redoubler la violence faite aux victimes d'Auschwitz en lui donnant un sens qui en dépasserait le désastre, l'injustifiable, l'irrémédiable ?
Le livre propose une série d'éclairages sur les questions que soulève le projet d'une Passion après Auschwitz : relectures du récit de la passion selon Marc, analyses historiques, réflexions sur quelques figures juives de l'interprétation de la Shoah, reprises théologiques chrétiennes enfin, autour des questions posées à la christologie et à la théologie de la passion. L'ouvrage se conclut par un entretien avec le compositeur qui revient sur son approche de cette thématique et sur sa démarche.
Ont participé à cet ouvrage : Danielle Cohen-Levinas, Corina Combet-Galland, Marc Faessler, Pierre Gisel, John Jackson, Daniel Krochmalnik, Pierre-Olivier Léchot, Michaël Levinas, Jean-Marc Tétaz et Christoph Wolff.
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Jean-Luc Nancy dialogue avec Maurice Blanchot sur le fil historique du communisme et d'un fondement théologique inavouable de la communauté comme étant d'emblée humaine et politique. Y a-t-il entre communisme et communion une déconstruction possible du « commun » qui restitue le tragique ? Trois interlocuteurs l'interrogent ici dans cette configuration, où c'est la « déconstruction du christianisme » qui opère l'autocritique de la modernité.
Quant à Sarah Kofman, elle traverse le texte-Blanchot, sa pensée de l'écriture et de l'« absolu » de l'histoire, pour renverser tout recours à la parole et à l'écrit « après Auschwitz ». A l'épreuve d'un avers terrible, l'intellectuel n'est alors plus qu'un témoin contraint, juste capable de tenir parole, pour l'autre et à la façon d'une promesse assignée au passé. Peut-on renverser cette assignation, comment et pour quoi ?
Ce livre arpente ces deux dialogues, disparates sur fond de proximité. Et c'est d'un différend qu'il s'agit, significatif de la fragilité de la pensée aux prises avec le destin et la nécessité, avec l'indépassable particularité des situations historiques aussi.
Sans théoriser, mais sans renoncer à la rigueur (philosophique !), les interrogations du livre arpentent l'autoréflexion culturelle de sociétés marquées par une perte de la modernité - celle d'une expérience de la liberté et du temps -, perte célébrée ou refusée, mais qui insiste. Le livre tente d'inverser le rapport contemporain des sociétés à elles-mêmes, frappé de présentisme, de logorrhée médiatique et d'explosion des sphères d'opinions publiques.
Ont participé à cet ouvrage :
Olivier Abel, Pierre Gisel, Ginette Michaud, Jean-Luc Nancy, Hannes Opelz, Tommaso Tuppini et Isabelle Ullern.