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Sciences humaines & sociales
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Entre le nirvana du Buddha et les invasions musulmanes, environ dix-huit siècles où brille la civilisation indienne. Pourtant, aucune institution ne vient l'organiser, aucun état durable n'encadre son essor ce qui n'empêche pas une intense réflexion sur la notion même d'état. Curieusement, alors que l'Inde est une simple expression géographique, il existe une civilisation indienne, sans doute la seule grande civilisation qui soit fédérée non par un état mais par une langue, le sanskrit, langue sacrée des brahmanes mais aussi langue de culture. De même, aucune Église ne vient institutionnaliser les religions ni le formidable élan spéculatif des chercheurs de vérité : le Buddha, le Jina, Patañjali, Samkara et bien d'autres se tournent ou se détournent des textes sacrés, le Veda. Ils vont dès lors réfléchir sur les grandes notions qui structurent la vie spirituelle : Que vaut l'action humaine qu'on nomme karman ? Comment échapper au monde du devenir, le samsara ? Peut-on vivre dans la non-violence ? Comment expliquer le mal? Comment penser une organisation sociale, le système des castes, qui est au coeur de l'Hindouisme ?
La réflexion concerne une minorité d'ascètes, de , de penseurs professionnels qui veulent sortir du monde. Mais il y a aussi ceux qui souhaitent y demeurer et vivent intensément. La danse du Bharatanatya, la musique des raga, la sculpture et l'architecture, les premières miniatures fleurissent. C'est aussi l'époque où, en mathématique, l'Inde découvre le zéro, la numération par position et calcule avec précision la circonférence terrestre.
Voilà qui permet de découvrir une civilisation riche, exubérante, multiple, bien loin des clichés misérabilistes et superstitieux qui sont un héritage de son proche passé colonial. -
L'Histoire est un savoir nouveau en Inde. Longtemps les érudits traditionnels ont ignoré les traces du temps. De plus l'idée de l'Inde et des Indes, ancienne en Europe, était inconnue en Asie du sud, où aucun empire comparable à l'Empire romain ou à l'Empire chinois ne s'est développé. Ce sont principalement les Britanniques qui au XIXe siècle ont « fait exister » l'Inde et les Indiens. Dans ces pays, faire l'histoire de l'Inde et faire l'histoire de l'Inde ou des Indes étaient également inconcevables. Développée au XXe siècle lorsque l'idée de l'Inde est devenue une réalité plurielle, éclatée en nations et états souvent antagonistes, la fabrique de l'histoire, son invention à des fins identitaires est devenue une passion en Asie du sud. C'est dans cette fabrique que nous invite ce livre : on y lit la rencontre du désir d'histoire qui anime les Indiens avec la volonté scientifique de savoir le monde caractéristique de l'Occident. Les uns veulent savoir pour exister, les autres veulent savoir pour maîtriser. Différents regards, ceux des Indiens et ceux des Occidentaux sur l'Inde, ceux des Indiens sur les Occidentaux qui regardent l'Inde, se croisent et divergent profondément.
De là découle une rencontre souvent passionnée. Toutes les périodes, tous les événements sont objets de controverse d'autant plus que les possibilités de connaître l'histoire de ces pays sans tradition historique sont faibles : la culture de l'Indus, le temps d'Ashoka, l'empereur prêcheur, la civilisation du sanskrit dont les mots et les valeurs conquièrent toute l'Asie du Sud et du Sud-est, les sultanats de Delhi et l'empire moghol qui intègrent les Indes dans le monde de l'Asie centrale, la présence européenne qui débouche sur la sujétion puis sur une modernité spécifique : tout est aujourd'hui objet de débats violents tant l'histoire est devenue stratégique dans ces pays.
C'est l'histoire de pays d'antique civilisation mais qui, émergeant tardivement dans le concert des nations et des puissances du XXIe siècle, sont à la recherche de leur identité, de leur puissance et de leur volonté d'incarner la conscience du monde : une histoire nouvelle pour de nouveaux pays qui dans l'avenir vont compter.
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Le nyaya-sutra ; l'art de conduire la pensée en Inde ancienne
Michel Angot, Gautama
- Les Belles Lettres
- Indika
- 15 Octobre 2009
- 9782251720517
Le terme "Nyaya" est fréquemment rendu par "logique" ou "dialectique", mais cette traduction ne doit pas masquer la radicale différence qui existe entre la logique occidentale, héritée principalement d'Aristote (384-322 av. J.-C.), et le mode de pensée qui est exposé dans ces textes fondateurs de la sixième et dernière école orthodoxe de la philosophie hindoue. En effet, Aristote, avec l'introduction de la notion de variable, avec l'évacuation du contenu concret des propositions, a développé une logique formelle permettant de dégager des lois universelles et abstraites profondément étrangères aux intentions de Gautama : si celui-ci vise une science, cette science ne peut se comprendre sans faire référence au sujet connaissant. Dans cette perspective, une proposition est vraie pour celui qui l'a exprimée et non en elle-même, elle n'a pas de structure qui en assure en elle-même la validité. Elle est inséparable de l'intention de l'auteur et du contexte particulier dans lequel celui-ci s'est exprimé. Autrement dit, le logicien occidental énonce des propositions puis sort de sa construction pour analyser ces propositions et décider de leurs valeurs universelles, tandis que le naiyayika énonce des vérités d'expérience, des vérités existentielles. Cette manière d'appréhender la connaissance, si étrangère à nos habitudes mentales, est inséparable d'une préoccupation religieuse au sens le plus large : le Nyaya est un système de salut dont l'objectif n'est pas de connaître le monde ou de constituer un savoir sur le monde mais de connaître ma réalité dans le monde, ma personne connaissant le monde ; c'est dans la mesure où cette réalité extérieure s'identifie avec mon propre corps qu'elle devient un objet de réflexion pour le Nyaya, et cette connaissance débouche sur une sortie du monde. Tout le Nyaya ancien est orienté vers cette connaissance libératrice et non vers une connaissance objective : pour lui, c'est l'homme qui doit être véridique, car une vérité qui lui serait