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Jacques Floret
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Sous ses faux airs administratifs (couverture de méchant carton gris, gommette, étiquettes, code barre...), ce livre s'apparente à un dossier d'archives comme certains artistes aiment à en ponctuer leur carrière, à l'un de ces recueils de dessins voués à asseoir définitivement le génie de leur auteur auprès du grand public. Le fait est que Jacques Floret y a compilé - fichtre - pas moins de 600 dessins, et le tout avec une rigueur exemplaire. Ils sont pour la plupart extraits de carnets dans lesquels régulièrement Floret note des idées, fignole des croquis, tente des trucs, esquisse de drôles de compositions ou bien, plus difficilement comme on le sait, s'efforce de laisser librement courir une ligne sur la page. À y regarder plus attentivement, Le Grosso modo se distingue pourtant d'un simple recueil informel de dessins par les liens tissés de proche en proche entre les images. Sur le mode « Marabout, bout d'ficelle, selle de cheval, cheval de course, course à pied, pied-à-terre... », chaque image est enchaînée par le biais d'un détail, d'une qualité de trait ou d'un motif à l'image précédente, et s'accroche de même à celle qui suit : une thématique émerge, qui laisse bientôt, à la faveur de similitudes formelles, sa place à une autre qui laisse sa place à une autre qui, etc. De proche en proche, d'analogie en ressemblance, une suite séquentielle se forme, un fil se dévide qui reviendra former à l'autre bout de la lecture, grosso modo, une pelote qu'il faudra dérouler de nouveau. À noter : les dessins de Jacques Floret ont pour préface un récit de fiction concocté par le déjà fameux Frédéric Ciriez.
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Rachel & Rosco est un ensemble de soixante-dix-sept dessins inédits réalisés au stylo à bille quatre couleurs.
Chaque dessin représente une femme (ou une fille) en compagnie de son chien.
Ces dessins, autour desquels rien d'autre ne surgit - ni légendes, ni textes -, et qui ne sont précédés d'aucune préface, sont la reproduction plus ou moins fidèle d'authentiques photographies sélectionnées par l'artiste. On ne s'étonnera donc pas de repérer, ici ou là, des inscriptions (date, heure...) souvent présentes sur des photos numériques.
L'utilisation du Bic quatre couleurs, objet usuel, familier, peu employé par les artistes et techniquement sommaire, évoque ces dessins que tous, un jour, nous avons réalisés dans les marges de nos cahiers d'école. Copier, avec cette technique-là, des images « iconiques » piochées autour de soi renvoie à une posture enfantine faite d'identification, de reproduction et d'accumulation.
Par la « transcription » répétée de ces scènes du quotidien, Jacques Floret fait du couple Rachel & Rosco des figures amies, des images sorties tout droit d'un album intime qui pourrait être le nôtre, rassemblant les lecteurs autour d'une mémoire commune.
C'est pourquoi Rachel et Rosco ne sont pas dotés d'une identité propre. S'ils forment un motif obsessionnel et unique - une femme, un chien -, les personnages sont multiples et les poses changeantes : au gré des dessins, Rachel prend différents visages et Rosco change de race. Transfuges d'un album de famille, photos « volées » à leur cadre privé, ces images portent aussi la charge émotionnelle de l'enfance, de moments révolus et d'une situation affective où l'absence de figure masculine sous-tend un regard peut-être fétichiste : une femme, un chien symbole d'amour et de fidélité, un photographe invisible... -
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Dans ce cahier intitulé L'ADBC du Dessin Jacques Floret dessine des corps. L'album manipule les codes des manuels d'apprentissages de dessins, les interpole en jouant avec la multitude d'images qui pullulent sur Internet, pour mieux revenir à la fonction initiale de la représentation. Le dessin se défend à des degrés divers contre les stéréotypes reproduits à la chaîne. Les contours des portraits d'individus, seuls ou en groupe, se donnent pour ce qu'ils sont : des images qui s'affichent, littérales. Floret assume le plaisir de la main qui trace et va tout contre l'imagerie de la libido, du fantasme et du rêve. Le dessinateur se confronte à l'érotisme de bazar, au « stupisme » ambiant. Il recycle les scènes de genre, les poses et les clichés. Chaque dessin se débat avec sa propre logique, dans une tension entre tracé brut et tremblé, entre esquisse et caricature, avec un humour allant parfois un peu loin. Les situations décrites sont plus ou moins confortables, rendent perplexe, prêtent à sourire ou à rire jaune. Les personnages se montrent. Ils se racontent, s'exposent, plus ou moins prêts à être possédés. Les nus féminins érotisent avec décalage, les portraits de groupe sont plus ou moins désunis. Tout y passe, de l'iconique au saugrenu, du cocu au sacré. Le regardeur doit être averti : ses yeux vont toucher et être touchés. DV