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Gallimard
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«Tu as fermé ta lettre de deux cachets à la cire rouge portant le monogramme de notre patronyme, la lettre K, élégamment inscrite dans une ellipse. Je conserve un souvenir d'enfance du sceau et de son bâton de cire, qui faisaient partie de l'immense bric-à-brac acquis aux salles d'enchères par Rodolphe durant son exil londonien. Sans doute avait-il trouvé dans cette onzième lettre de l'alphabet vendue au hasard de l'encan dans un lot disparate, fréquente en anglais comme en tchèque mais rare en français, le tesson de notre identité persistant dans la tourmente.Ce modeste K, qui appartenait peut-être à un King, un Kellogg, un Kenneth prématurément tué ou ruiné par la guerre, magnifiait soudain notre survie familiale à travers les tribulations du XX? siècle... Petit garçon j'avais tenté de jouer avec cet objet fascinant qui produisait des dessins en relief : je me souviens comment tu fis fondre pour moi avec ton briquet - tu étais encore fumeur dans les années 1960 - la cire qui grésillait. Je me remémore son parfum de brûlé, les bulles noires et rouges, la pâte molle qui en séchant fit naître ce camée cramoisi, chétif et précieux.»
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Sortir du chaos ; les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient
Gilles Kepel
- Gallimard
- Esprits Du Monde
- 18 Octobre 2018
- 9782072770470
Depuis 1973, nous avons assisté à une islamisation progressive de la politique au Moyen-Orient, puis à la jihadisation de la région et de l'Occident. En moins d'une décennie, nous sommes passés de l'enthousiasme des slogans démocratiques universels des « printemps » et de leur « révolution 2.0 » à une funeste régression au salafisme, au retour de l'autoritarisme et à la guerre civile. Le chaos s'est aujourd'hui installé au Moyen-Orient et autour de la Méditerranée.
Comment s'est-il établi ? Comment en sortir ? Quels sont aujourd'hui les choix sur la table d'Emmanuel Macron, de Donald Trump ou de Vladimir Poutine ? C'est à ces questions d'une brûlante actualité et d'une importance cruciale que répond ce livre, réflexion à la fois experte et pédagogue permettant de décrypter le présent et de comprendre les scénarii à venir.
Cet ouvrage offre aussi, pour la première fois, une analyse complète et compréhensible du conflit syrien.
Pour ce faire, Gilles Kepel est retourné partout - Palestine, Israël, Égypte, Tunisie, Libye, Oman, Yémen, Qatar, Bahreïn, Arabie saoudite, Liban, Turquie, Syrie, Kabylie, Russie - et a rencontré tous les acteurs. Fort de son expérience du terrain et de sa connaissance de la région, analysant les événements les plus récents à la lumière de l'histoire, il livre ici une contribution essentielle pour qui veut comprendre les enjeux d'aujourd'hui et de demain.
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Le prophète et la pandémie ; du Moyen-Orient au jihadisme d'atmosphère
Gilles Kepel
- Gallimard
- Esprits Du Monde
- 11 Février 2021
- 9782072923128
L'AN 2020, marqué par la Covid-19 et l'effondrement du marché pétrolier, est celui de tous les bouleversements depuis le Moyen- Orient jusqu'aux banlieues de l'Europe.
Le conflit israélo-palestinien se fragmente avec, d'un côté, un pacte portant le nom du prophète Abraham, qui va des États-Unis à Abou Dhabi au Maroc et au Soudan en passant par Israël, agrège l'Égypte et l'Arabie, et lorgne l'Irak ; de l'autre « l'axe fréro-chiite » qui rassemble Gaza, Qatar, Turquie et Iran, avec le soutien ponctuel de la Russie.
Dans ces convulsions sismiques, Beyrouth explose, réfugiés et clandestins affluent en Europe, et le président turc Erdogan tente de refaire d'Istanbul le centre de l'islam mondial.
Enfin, le terrorisme frappe de nouveau, en France et en Autriche, au nom d'un jihadisme sans organisation. Il s'appuie sur une atmosphère créée par des entrepreneurs de colère, mobilisant foules et réseaux sociaux du monde musulman pour venger leur prophète face à l'Occident - tandis que Joe Biden doit restaurer la confiance des alliés de l'Amérique.
Poursuivant la réflexion engagée dans Sortir du chaos, succès français et international, Gilles Kepel propose, cartes et chronologie à l'appui, la mise en perspective indispensable de l'actualité pour comprendre et anticiper les grandes transformations de demain.
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Les « banlieues » sont devenues l'un des principaux enjeux du débat politique français, et il est probable que ce terme soit l'un des maîtres mots de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Or, « banlieues », dans cet usage, désigne en réalité les quartiers populaires périphériques où se concentrent notamment des populations d'origine immigrée - et non les banlieues en général, dont la plupart sont « résidentielles ».
Enjeu complexe, les « banlieues » représentent à la fois la cristallisation des peurs d'une société inquiète face à des nouvelles « classes dangereuses » du XXIe siècle, et la mauvaise conscience de celle-ci, accusée d'avoir laissé se développer et perdurer des zones d'exclusion en marge de sa prospérité. Cette ambivalence est propice à l'emballement du discours médiatique sur un sujet propre à toutes les surenchères idéologiques ainsi qu'aux simplifications des images-chocs - voitures brûlées, caches d'armes dans les HLM, musulmans en prière sur la chaussée. autant de « figures » de la banlieue dont l'accumulation est censée produire du sens, au détriment d'une construction rationnelle de celui-ci. Ces « figures » sont au coeur du malentendu persistant entre la presse et les habitants des banlieues concernées, qui discrédite à leurs yeux la pratique journalistique « stigmatisante ».
Le « trou noir » d'une représentation rationnelle de ce problème crucial renvoie à une question très douloureuse, centrale, qui touche à l'identité même de la France au moment où celle-ci connaît une crise profonde. Cette crise est relayée sur le territoire français par ces zones d'exclusion qui paraissent à la fois défier le pacte républicain traditionnel (elles produiraient le communautarisme) et rester en marge du monde du travail malgré des aides et subventions massives prélevées sur les impôts des classes moyennes - les « banlieues » sont perçues comme un parasite sur le corps malade du pays. Ce sentiment de malaise et de crainte est encore accentué par le vieillissement de la population française « de souche » alors que ces banlieues populaires bigarrées, jeunes et en plein essor démographique, portent en partie l'avenir de la France.
Face à l'ampleur de ces bouleversements, et à l'importance des enjeux dont on peut penser qu'ils vont s'exacerber lors de la prochaine élection présidentielle puisqu'il auront une incidence directe sur la conquête du pouvoir politique en France et où Mme Le Pen a déjà pris date, avec ses remarques sur les musulmans comme « force d'occupation », il est important de disposer de travaux et d'un livre qui puissent faire référence afin que les débats de société soient nourris d'une matière que l'on voudrait originale, substantielle et gouvernée par la « neutralité quant aux valeurs » prônée par Max Weber.
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Avec les attentats du 11 septembre 2001, Ben Laden et son mentor le Dr Zawahiri visaient à enrayer le déclin du jihad qui avait échoué pendant les années 1990 - en Égypte comme en Bosnie, en Arabie saoudite ou en Algérie. En frappant l'ennemi lointain américain, ils espéraient galvaniser leurs partisans et faire triompher l'islamisme radical dans le monde entier. Pendant ce temps, à Washington, l'influent lobby néoconservateur repensait les intérêts stratégiques traditionnels des États-Unis au Moyen-Orient : la sécurité simultanée de l'État d'Israël et des approvisionnements pétroliers. Mêlant aspirations démocratiques et réaffirmations hégémoniques, la «guerre contre la terreur» ouvrait en définitive la boîte de Pandore dans l'Irak occupé. Les sévices infligés aux prisonniers irakiens, les prises d'otages occidentaux exécutés ou égorgés par les jihadistes illustrent l'impasse dans laquelle sont précipités la politique américaine mais surtout le monde musulman. Le chaos met en péril le Moyen-Orient, menace ses lieux saints et déchire le tissu social : c'est la hantise séculaire des oulémas, docteurs de la Loi - ils l'appellent fitna, la guerre au coeur de l'islam. Face à cela, c'est en Europe, parmi les millions de musulmans qui y vivent désormais, que se joue la bataille pour l'évolution de l'islam - elle oppose la régression communautaire et la fusion avec la modernité. L'islam d'Europe est aujourd'hui à l'avant-garde de ce combat, le modèle sur lequel ont les yeux fixés les musulmans du monde qui aspirent à vivre librement.
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«De la tuerie de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, à l'assassinat du père Hamel, le 26 juillet 2016, le terrorisme islamiste a causé la mort de deux cent trente-neuf personnes en France. Et des listes de cibles incitent des "solitaires" à continuer le massacre.
L'objectif de ces provocations meurtrières est de fracturer la société française par une guerre civile larvée dressant, au nom d'une religion dévoyée, un nouveau prolétariat d'enfants d'immigrés contre les classes moyennes.
Pour y parvenir, les djihadistes tentent d'embrigader les musulmans de France, qui leur sont massivement hostiles. Des stratégies de rupture sont mises en oeuvre afin de souder cette communauté contre l'"islamophobie" imputée à la société.
Cela nourrit la propagande de politiciens qui cherchent leur avantage en vue des élections de 2017, tombant dans le piège des terroristes alors même que la patrie est en danger, tandis que l'Europe se fissure et que le Moyen-Orient explose.
Conçu autour des chroniques radiophoniques que j'ai tenues chaque semaine sur France Culture entre les étés 2015 et 2016, La Fracture restitue en contexte cette année terrible et plaide pour un engagement lucide de nos concitoyens.»
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Banlieue de la République ; société, politique et religion à Clichy-sous-Bois et Monrfermeil
Gilles Kepel
- Gallimard
- Hors Serie Connaissance
- 2 Février 2012
- 9782070136827
Par rapport à l'ouvrage Les Banlieues de l'islam (1987), qui se basait notamment sur une enquête effectuée durant le Ramadan de juin 1985, cet ouvrage, basé sur une nouvelle enquête effectuée durant le Ramadan d'août/septembre 2010 (certaines des questions sont identiques afin de mesurer les évolutions sur 25 ans), ne parcourt pas la France entière, mais se concentre sur une zone particulièrement symbolique, Clichy/Montfermeil, visant ainsi à une sorte de « portrait total ».
Il s'agit ici d'analyser et de comprendre comment s'imbriquent concrètement des variables comme la relégation et l'enclavement spatial, les problèmes de l'éducation et de l'emploi, de la sécurité, pour produire une émeute qui se répand à travers tout le pays, et comment les réactions à celle-ci - de l'injection massive de fonds à travers la Politique de la Ville, les Zones Franches Urbaines, etc., à l'émergence d'une contre-élite politique dans la jeunesse d'origine immigrée - sont à même ou non, et selon quelles modalités, de relever le défi.
On sera particulièrement attentif à observer comment la référence à l'islam a pénétré en profondeur l'espace social, et comment celle-ci peut se combiner à l'expression politique soit dans une logique de participation à la vie de la cité avec des revendications propres, soit dans une logique de rupture. Outre l'observation directe et la consultation des sources, l'enquête porte une grande attention aux propos des habitants, ce qui permet, pour la première fois à cette échelle, d'entendre et de comprendre la parole des principaux intéressés, par-delà les propos normatifs et généralement réducteurs tant de la presse que des militants associatifs.
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Augmenté de Passion en Kabylie
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Pour la première fois dans la France contemporaine, quatre cents candidates et candidats issus de l'immigration, surtout nord-africaine, se sont présentés aux élections législatives en juin 2012, principalement dans des circonscriptions populaires. Gilles Kepel, aidé par l'Institut Montaigne, a «zigzagué l'Hexagone» entre janvier 2013 et janvier 2014 pour en rencontrer une centaine. Pourquoi et comment ont-ils choisi d'entrer en politique afin d'incarner la souveraineté du peuple français? Avec pour matériau le Journal de ces voyages et le verbatim de ces entretiens, Passion française saisit un état de crise sociale et politique sans précédent, qui voit les polémiques sur l'identité française et l'islam, sur l'exclusion et le rejet du «système» battre leur plein, tandis que le Front national rafle la mise, y compris, au-delà du paradoxe, dans certaines cités. Gilles Kepel polarise son récit sur deux régions emblématiques:Marseille et ses quartiers nord, Roubaix, la ville la plus pauvre de France, l'une et l'autre héritières d'une riche culture ouvrière. Dans les deux cas, il observe la prégnance des marqueurs de l'islam dans le tissu social et les aspirations démocratiques de la jeune génération. Passion française peut dès lors se poser en diptyque avec Passion arabe:l'interpénétration de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient avec nos banlieues pose, outre la question de l'islam de France, celle de l'identité que se cherche notre République dans les bouleversements du monde.
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Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et légumes, s'immole par le feu - et embrase le monde arabe. Les régimes de Ben Ali, Moubarak, Kadhafi sont précipités dans les flammes, et l'incendie porte à Bahreïn, au Yémen et jusqu'en Syrie. En deux ans, les révolutions ont abattu des dictatures, mais fréquemment porté au pouvoir les Frères musulmans. Le salafisme prolifère, nourri du désenchantement de jeunes et de déshérités dont la pauvreté s'est accrue. Et al-Qaida, qu'on croyait enterrée, resurgit de la Syrie au Mali. Que sont devenues la liberté, la démocratie, la justice sociale revendiquées par les «printemps arabes»? Quel est le rôle des pétromonarchies du Golfe dans l'arrivée au pouvoir des partis islamistes? Pourquoi le conflit entre sunnites et chiites est-il en train de détourner l'énergie des révolutions, tandis que la Syrie s'enfonce dans des souffrances inouïes? Gilles Kepel, familier du monde arabe depuis quatre décennies, est retourné partout - Palestine, Israël, Égypte, Tunisie, Libye, Oman, Yémen, Qatar, Bahreïn, Arabie saoudite, Liban, Turquie, Syrie - et a rencontré tout le monde - salafistes et laïcs, Frères musulmans et militaires, djihadistes et intellectuels, ministres et fellahs, diplômés-chômeurs et rentiers de l'or noir... De ce périple, il a rapporté un Journal. Écrit sur le vif puis enrichi au cabinet de travail, il capte en quatorze chapitres conçus comme autant de stations les déchirements intimes de ces sociétés. La passion de l'auteur y rend compte en écrivain, par la violence et les épreuves, et parfois l'espérance, d'une incoercible Passion arabe.
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Chronique d'une guerre d'Orient/brève chronique d'Israël et de Palestine : (automne 2001)
Gilles Kepel
- Gallimard
- 30 Janvier 2002
- 9782070765133
«Parcourant des routes maintes fois foulées depuis plus de vingt ans, allant à la rencontre des jeunes et des étudiants, interrogeant les prédicateurs et les imams, les militants islamistes et les responsables politiques, j'ai voulu comprendre le drame du 11 septembre en retournant dans la région même où il s'était noué. Qu'en était-il de la popularité de Ben Laden, du ressentiment contre l'Amérique, de l'exaltation religieuse et d'al jazeera - mais aussi de la fascination pour l'Occident, du désespoir face au chômage et de l'envie de partir ? De l'Égypte à la Syrie, du Liban au Qatar et aux Émirats arabes unis, j'ai recueilli à chaud impressions et témoignages, tenant cette Chronique d'une guerre d'Orient, pour voir comment cet ultime avatar du jihad commencé avec l'attaque contre New York avait fini par l'écrasement des Talibans et la traque de Ben Laden, au terme de cent jours qui ébranlèrent le monde, et précipitèrent le déclin politique de l'islamisme.» Gilles Kepel.
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Terreur dans l'hexagone ; genèse du djihad français
Gilles Kepel, Antoine Jardin
- Gallimard
- Hors Serie Connaissance
- 15 Décembre 2015
- 9782070105625
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l'automne 2005 des attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015, la France a vu se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse née dans l'Hexagone et issue de l'immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique. Cette génération, de nationalité française, qui grandit dans les cités trouve un mode privilégié d'expression de ses valeurs avec Internet. Celles-ci mêlent recherche d'un modèle d'« islam intégral » inspiré du salafisme et consultation d'une islamosphère qui promeut la rupture avec le modèle « mécréant » de l'Occident.
L'outil numérique et le référentiel extrahexagonal auquel il donne accès débouchent sur l'édification d'une frontière de plus en plus stricte entre les sphères du halal (licite) et du haram (illicite), qui favorise les ambitions des réseaux associatifs, actifs dans le tissu social comme dans le cybermonde. L'extension de ces réseaux est encore démultipliée par les mutations du monde digital, qui connaît, durant la décennie 2005-2015, la révolution dite 2.0. C'est par les réseaux sociaux émergents que la troisième génération de l'islam de France est mise en contact direct avec la troisième vague du djihadisme, qui commence à se former cette même année 2005 après la publication en ligne de l'opus fondateur de son principal idéologue, le Syro-Espagnol Abu Musab al-Suri, intitulé Appel à la résistance islamique mondiale.
Pareille coïncidence entre les mutations des banlieues, le changement de génération de l'islam de France et les transformations de l'idéologie du djihadisme a tout d'une « rencontre du troisième type ». C'est bien elle, pourtant, qui produit l'hybridation d'où sortiront les djihadistes français exaltés par le champ de bataille syro-irakien, que plus de huit cents d'entre eux ont rejoint en 2015 et où plus de cent ont déjà trouvé la mort, sans compter ceux qui, à l'instar des Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche, Chérif et Saïd Kouachi, Amedy Coulibaly, Sid Ahmed Ghlam perpètrent des attentats inspirés par cette idéologie ou sont arrêtés quand ils s'apprêtent à passer à l'acte.
C'est à l'étude de ce phénomène qu'est consacré ce livre.
Avec la collaboration d'Antoine Jardin