La linguistique contemporaine, dans son immense majorité, admet comme une évidence le principe selon lequel la relation de la forme ("le signifiant") au sens ("le signifié") est arbitraire. Ce choix théorique repose sur une illusion fondée sur une certaine conception de la langue, selon laquelle l'unité significative privilégiée est le morphème (on ne voit effectivement pas de motivation naturelle à désigner spécialement par le mot nez cet appendice bien connu).
Cet ouvrage démontre que l'élément minimal significatif est en réalité le trait phonétique, composante du phonème (lui-même constituant du morphème), lequel, en tant que propriété articulatoire, établit un lien naturel (donc non arbitraire) avec le signifié : ainsi, le mot nez et tous ceux qui concernent cet appendice comportent-ils le trait [nasal] et ce non seulement en français mais aussi dans la plupart des autres langues, sans qu'un lien typologique entre elles puisse être invoqué.
Là gît l'innovation de la théorie défendue ici : l'hypothèse (démontrée empiriquement) que le trait phonétique est pertinent pour représenter la structuration lexicale. Ainsi émerge un nouveau paradigme au sein des sciences du langage, fondé sur le postulat que les formes n'ont rien d'arbitraire relativement aux significations.
Dans ce livre, Georges Bohas décrit son itinéraire dans le monde de la langue arabe, dans sa métrique et ses styles.
Il raconte notamment ses apprentissages au Liban et en Syrie.
Humour et rigueur se marient avec bonheur pour décrire, dit-il, «le processus en moi de la connaissance»..
La Théorie des Matrices et Étymons (TME) de Georges Bohas constitue une innovation radicale en Sciences du langage. Fondée initialement sur les faits de l'arabe puis étendue à la diversité des langues naturelles, elle se situe dans une perspective submorphémique : l'unité phonétique minimale n'y est pas le phonème mais le trait et l'unité minimale signifiante n'y est pas le morphème mais un composé de traits et d'invariant notionnel appelé « matrice ». Ainsi, la TME institue une motivation du sens du mot par sa forme même, dans sa dimension articulatoire, ou motivation intrinsèque.
Le présent ouvrage discute ces fondements, les étaye par des données nouvelles et en montre l'importance épistémologique au regard de théories cognitives élaborées indépendamment, comme la théorie de l'énaction.
The phenomenon of homonymy appeared at the conceptual beginnings of Arabic grammar. In the chapter devoted to the relationship between form and lexical meaning in the kitâb by Sîbawayhi we read that it is possible to find in the spoken language of the Arabs "two concordant forms although the meanings differ, when you say: wajadtu ?alayhi (I felt resentment against him), which comes from al-mawjidatu (resentment) and wajgadtu (I found) if you look at wijdana l-?allati (to find the lost animal). Examples of this kind are numerous". Throughout the centuries nobody has been able to provide a satisfactory explanation of this phenomenon.
Standard linguistic studies restrict themselves to the level of the root, whereas this phenomenon can only be accounted for at the submorphemic level. As posited in the Theory of Etymons and Matrices (TME), the minimal phonetic units of the lexicon are not phonemes but phonetic features and the minimal units of sound and meaning are not morphemes but matrices composed of vectors of phonetic features correlated to a notional invariant.
In this book we account for some fifty roots (in the traditional meaning of the term). Such a large number cannot be dismissed as just a handful of convenient examples chosen for the purpose. Within the framework of TME, homonymy is thus an ordinary phenomenon which is predicted and explained by the theory and every case of homonymy will have an explanation once the entire lexicon has been described.
L'ouvrage entreprend de faire la synthèse des recherches menées durant les quinze dernières années sur l'organisation du lexique de l'arabe et des langues sémitiques.
II s'agit de montrer comment la théorie des matrices, étymons et radicaux (MER) rend compte des phénomènes de l'hébreu biblique et de l'arabe classique.
Dans les deux cas, non seulement les auteurs parviennent à réorganiser le lexique sous forme de vastes champs phonético-conceptuels, mais ils fournissent aussi une explication à des phénomènes comme l'homonymie, l'énantiosémie et la polysémie du lexique de ces langues, phénomènes tenus pour mystérieux jusqu'à ce jour.
Il s'agit aussi d'approfondir le contenu et le fonctionnement de la théorie des MER, conçue plus abstraitement dans les premiers travaux de Georges Bohas.
Il s'agit enfin de tirer toutes les implications de cette théorie pour la théorie linguistique en général (par exemple, pour le débat sur la nature du signe linguistique) et de montrer l'incidence de la théorie des MER sur les débats actuels, particulièrement sur le problème de l'origine des langues.