«- On ne connaît jamais l'Inde, jamais ! On s'y perd, c'est tout, c'est même un endroit fait pour cela... Marion baisse la tête. Katherine voyait les choses différemment. Que disait-elle déjà ? Que l'Inde se méritait, que la grâce de l'Inde était une grâce d'intériorité, qu'il fallait du temps pour comprendre cela, pas mal d'humilité, de patience. Comprendre l'Inde, être compris d'elle, en revenir transformé...» Singes est une variation rafraîchissante du roman initiatique avec dans les rôles principaux : une célibataire hypocondriaque chargée d'un pot de confiture rempli des cendres de sa meilleure amie, une masseuse parisienne en mission impossible, un orthodontiste touché malgré lui par la grâce, un ex-champion de hockey sur glace dopé de nicotine et de yoga, un Américain pourvoyeur de cristaux magiques, une flopée d'illuminées, de gigolos déguisés en ascètes, d'escrocs christiques, de gourous, et de quelques vrais sages car il y a en a, bien cachés.
Au cours de recherches qu'elle mène pour une thèse sur les journaux intimes féminins, Justine, une étudiante d'une vingtaine d'années, tombe sur un personnage hors du commun : Marthe de la Croix, fondatrice d'un carmel au siècle dernier, une personnalité ténébreuse, excessive, dont les élans d'amour mystique s'accompagnaient de pénitences d'un raffinement inouï dans la cruauté. Quoi de plus fascinant quand on est soi-même, d'une façon désordonnée et confuse, en quête d'absolu ? Justine sollicite l'autorisation de se rendre au Carmel de M., qui détient ses écrits, et l'obtient. Alors qu'elle se prépare à ce rendez-vous, une insolite conspiration de signes et de hasards lui laisse entendre que cette journée va bouleverser bien des choses. Va-t-elle enfin savoir qui elle est vraiment ? Comprendre le sens de l'étrange amitié que lui voue monsieur Jean, un vieil excentrique aux penchants obscènes ? Se libérer une bonne fois pour toutes d'un secret qui lui pèse ? Pour dire enfin adieu à l'innocence. Et oui à l'allégresse.
Farouche, la narratrice ? Elle se laisse volontiers accoster. Encore faut-il que l'homme soit élégant, de mise et d'esprit. Et qu'il réponde à sa question : «Pourquoi m'avez-vous abordée ?» L'«écrivain» a suivi Elisa au jardin du Luxembourg. Elle lui sourit. Il l'emmène dans un bar chic, et lui déclare qu'elle sera l'héroïne de son prochain roman. Mais il va vite savoir à quel point, depuis Proust, les jeunes filles ont bien changé. De proie littéraire, la jeune étudiante de vingt-trois ans, provinciale fraîchement arrivée à Paris, risque de devenir chasseresse. D'ailleurs, c'est elle qui parle. D'elle-même, de son corps, de l'écrivain, de ses amies, des hommes. Avec une ironie cruelle, et sans fard.
«Au cours d'un séjour en Inde, j'ai fait la connaissance d'un ancien banquier considéré comme un sage. Chaque jour, dans son appartement de Bombay, le vieil homme dispense son enseignement spirituel à une poignée de visiteurs de tous pays. Chaque séance s'achève ainsi : l'un après l'autre, les visiteurs se prosternent à ses pieds. Je ne peux m'y résoudre. Que cache ce refus ? A-t-il partie prenante avec la peur d'aimer ? Va-t-il chercher plus loin encore, vers la mort ? Je compris vite que je ne pouvais y voir plus clair sans l'écriture. Un récit s'imposait. Le voici.» Élisabeth Barillé.
«Je les attends. Ils ne vont plus tarder. Ana et Val. Où sont-ils ? Que font-ils ? Je n'en sais rien et ne veux rien savoir. Tout est possible ; l'amour est là, le grand amour qui permet tout. Je conçois bien que ma sérénité peut paraître inexplicable, voire monstrueuse aux yeux des grands tourmentés, elle n'est que l'envers de ma certitude. Quand Val caresse Ana, c'est moi qu'il touche à travers elle, c'est à moi qu'il donne ce qu'elle croit recevoir.»
Basile habille les femmes, Domi habille les morts, Ligeia leur parle. Luc le solitaire vit dans un fauteuil depuis plus de trente ans. Basile possède en lui son seul ami véritable, mais Luc rêve de faire la peau à celui qu'il considère comme le meurtrier de Nelly, son unique amour. «La muse absente» de Basile. Supprimer ce couturier qui l'obsède et la ruine, c'est aussi le rêve d'Amélie Dalle, la fashionista graphomane, et, sans doute, le désir inavouable de l'ambitieux Etzo. Le beau Yann, lui, ne rêve que de faire un enfant à Domi, sa compagne, mais depuis que Ligeia a oublié dans son bureau à la morgue un recueil de ses poèmes, Domi la frondeuse rêve de rencontrer Rainer Maria Rilke. Avant sa tumeur au cerveau, Julio Ocampo construisait des maisons. Il ne connaît aucun de ces personnages. Doté de mystérieux pouvoirs, il sait pourtant le sort que l'auteur leur réserve. Julio serait-il un maçon visionnaire, les rêves, les agents doubles de la vie, et la mort, l'agent secret de la mode ?