«Je choisis ce qu'il y a en moi d'essentiel, d'infini et de non monnayable. Je choisis de cultiver l'esprit de finesse, les émotions délicates, les sensations patiemment tamisées, sachant que si la faim du corps, tout impérieuse soit-elle, a ses impasses, celle de l'esprit, elle, s'accorde à l'illimité, tout comme les nourritures dont il se rassasie : l'offrande ultime d'une rose de novembre, l'âcreté sensuelle d'un feu de cheminée, le nuancier d'un ciel normand, l'ivresse du baiser qu'on n'attendait plus. Je choisis l'ordre sensible contre la tyrannie sclérosante des ambitions.»
«- On ne connaît jamais l'Inde, jamais ! On s'y perd, c'est tout, c'est même un endroit fait pour cela...
Marion baisse la tête. Katherine voyait les choses différemment. Que disait-elle déjà ? Que l'Inde se méritait, que la grâce de l'Inde était une grâce d'intériorité, qu'il fallait du temps pour comprendre cela, pas mal d'humilité, de patience. Comprendre l'Inde, être compris d'elle, en revenir transformé...» Singes est une variation rafraîchissante du roman initiatique avec dans les rôles principaux : une célibataire hypocondriaque chargée d'un pot de confiture rempli des cendres de sa meilleure amie, une masseuse parisienne en mission impossible, un orthodontiste touché malgré lui par la grâce, un ex-champion de hockey sur glace dopé de nicotine et de yoga, un Américain pourvoyeur de cristaux magiques, une flopée d'illuminées, de gigolos déguisés en ascètes, d'escrocs christiques, de gourous, et de quelques vrais sages car il y a en a, bien cachés.
Au cours de recherches qu'elle mène pour une thèse sur les journaux intimes féminins, Justine, une étudiante d'une vingtaine d'années, tombe sur un personnage hors du commun : Marthe de la Croix, fondatrice d'un carmel au siècle dernier, une personnalité ténébreuse, excessive, dont les élans d'amour mystique s'accompagnaient de pénitences d'un raffinement inouï dans la cruauté. Quoi de plus fascinant quand on est soi-même, d'une façon désordonnée et confuse, en quête d'absolu ?Justine sollicite l'autorisation de se rendre au Carmel de M., qui détient ses écrits, et l'obtient. Alors qu'elle se prépare à ce rendez-vous, une insolite conspiration de signes et de hasards lui laisse entendre que cette journée va bouleverser bien des choses.Va-t-elle enfin savoir qui elle est vraiment ? Comprendre le sens de l'étrange amitié que lui voue monsieur Jean, un vieil excentrique aux penchants obscènes ? Se libérer une bonne fois pour toutes d'un secret qui lui pèse ?Pour dire enfin adieu à l'innocence.Et oui à l'allégresse.
Farouche, la narratrice ? Elle se laisse volontiers accoster. Encore faut-il que l'homme soit élégant, de mise et d'esprit. Et qu'il réponde à sa question : «Pourquoi m'avez-vous abordée ?» L'«écrivain» a suivi Elisa au jardin du Luxembourg. Elle lui sourit. Il l'emmène dans un bar chic, et lui déclare qu'elle sera l'héroïne de son prochain roman. Mais il va vite savoir à quel point, depuis Proust, les jeunes filles ont bien changé. De proie littéraire, la jeune étudiante de vingt-trois ans, provinciale fraîchement arrivée à Paris, risque de devenir chasseresse. D'ailleurs, c'est elle qui parle. D'elle-même, de son corps, de l'écrivain, de ses amies, des hommes. Avec une ironie cruelle, et sans fard.