«Je choisis ce qu'il y a en moi d'essentiel, d'infini et de non monnayable. Je choisis de cultiver l'esprit de finesse, les émotions délicates, les sensations patiemment tamisées, sachant que si la faim du corps, tout impérieuse soit-elle, a ses impasses, celle de l'esprit, elle, s'accorde à l'illimité, tout comme les nourritures dont il se rassasie : l'offrande ultime d'une rose de novembre, l'âcreté sensuelle d'un feu de cheminée, le nuancier d'un ciel normand, l'ivresse du baiser qu'on n'attendait plus. Je choisis l'ordre sensible contre la tyrannie sclérosante des ambitions.»
Pour certains l'Inde est une terre de merveille, pour d'autres une terre de misère. L'Inde d'Élisabeth Barillé est une école de vie. Voilà des années qu'elle l'arpente à la recherche de nouvelles connaissances. Cette fois, il s'agit d'une quête dans le sillage du dieu dansant Shiva, tout au sud du continent. Une véritable ascension intérieure, entre le feu destructeur et la vitalité de l'éternel renouveau.
Mais, attention, la voyageuse n'est pas du genre à se laisser prendre par la guimauve des faux gourous ou un idéalisme de pacotille. Son tempérament l'incite à déminer autant que faire se peut les illusions, autant les siennes que celles qui s'offrent, tout au long du voyage, à son besoin de sens. Sa lucidité caracole avec une rafraîchissante autodérision, signe d'une liberté sans fards...
Rencontrer des maîtres sans disciples, des excentriques de la sagesse, découvrir le langage du silence, s'initier à la pensée du grand Ramana Maharshi, au pied de la colline sacrée d'Arunachala : autant d'aventures singulières écrites par une femme qui ose marier la légèreté et la profondeur.
« Peins ma fille, peins... Le jour commençait à baisser quand elle s'était enfin arrachée d'une ancienne fièvre. Une grande toile en était sortie, comme elle n'en peindrait jamais plus, avait-elle aussitôt compris. Une simple bâtisse dans l'herbe rase d'un vert cru, une bergerie, peut-être, tombée du ciel comme un météore... ».
Ainsi peint Aimée Castain, bergère de Haute-Provence. La montagne est dans le paysage. La mer nappe l'horizon, invisible, brumeuse, à soixante kilomètres. Et partout, la tendre sauvagerie des collines, les oliviers, les bories, la tentation de la couleur. Saisir sur la toile la beauté du monde. Son mari Paul ne comprend pas bien cette passion nouvelle, mais Aimée s'y donne, entièrement, tout en surveillant son troupeau. Peu à peu, son talent franchit la vallée, les amateurs achètent ses toiles, les journalistes écrivent sur le prodige. Une candeur de touche, un talent singulier, comme offert, par l'insaisissable : l'école du ciel, peut-être...
La narratrice et son compagnon, Daniel, avocat, cherchent comment fuir Paris et Marseille, la vie épuisante, éclatée. Dans un village de Haute-Provence, une maison leur apparaît, comme offerte elle aussi, par l'invisible. Elle sera leur point d'ancrage. Chaque matin est une promesse nouvelle. Puis Daniel s'enflamme pour l'oeuvre d'une artiste oubliée, une fille de métayers, née pendant la Grande Guerre, une simple bergère. La maison qu'ils viennent d'acheter fut la sienne. Un talent magnifique et méconnu aurait-il vécu entre ces murs?
Elisabeth Barillé nous entraîne à la rencontre d'Aimée Castain et nous livre le roman de la liberté, avec grâce et un sens unique des images : échapper à son histoire, traverser l'enfance, accomplir son destin.
«- On ne connaît jamais l'Inde, jamais ! On s'y perd, c'est tout, c'est même un endroit fait pour cela...
Marion baisse la tête. Katherine voyait les choses différemment. Que disait-elle déjà ? Que l'Inde se méritait, que la grâce de l'Inde était une grâce d'intériorité, qu'il fallait du temps pour comprendre cela, pas mal d'humilité, de patience. Comprendre l'Inde, être compris d'elle, en revenir transformé...» Singes est une variation rafraîchissante du roman initiatique avec dans les rôles principaux : une célibataire hypocondriaque chargée d'un pot de confiture rempli des cendres de sa meilleure amie, une masseuse parisienne en mission impossible, un orthodontiste touché malgré lui par la grâce, un ex-champion de hockey sur glace dopé de nicotine et de yoga, un Américain pourvoyeur de cristaux magiques, une flopée d'illuminées, de gigolos déguisés en ascètes, d'escrocs christiques, de gourous, et de quelques vrais sages car il y a en a, bien cachés.
Au cours de recherches qu'elle mène pour une thèse sur les journaux intimes féminins, Justine, une étudiante d'une vingtaine d'années, tombe sur un personnage hors du commun : Marthe de la Croix, fondatrice d'un carmel au siècle dernier, une personnalité ténébreuse, excessive, dont les élans d'amour mystique s'accompagnaient de pénitences d'un raffinement inouï dans la cruauté. Quoi de plus fascinant quand on est soi-même, d'une façon désordonnée et confuse, en quête d'absolu ?Justine sollicite l'autorisation de se rendre au Carmel de M., qui détient ses écrits, et l'obtient. Alors qu'elle se prépare à ce rendez-vous, une insolite conspiration de signes et de hasards lui laisse entendre que cette journée va bouleverser bien des choses.Va-t-elle enfin savoir qui elle est vraiment ? Comprendre le sens de l'étrange amitié que lui voue monsieur Jean, un vieil excentrique aux penchants obscènes ? Se libérer une bonne fois pour toutes d'un secret qui lui pèse ?Pour dire enfin adieu à l'innocence.Et oui à l'allégresse.
Farouche, la narratrice ? Elle se laisse volontiers accoster. Encore faut-il que l'homme soit élégant, de mise et d'esprit. Et qu'il réponde à sa question : «Pourquoi m'avez-vous abordée ?» L'«écrivain» a suivi Elisa au jardin du Luxembourg. Elle lui sourit. Il l'emmène dans un bar chic, et lui déclare qu'elle sera l'héroïne de son prochain roman. Mais il va vite savoir à quel point, depuis Proust, les jeunes filles ont bien changé. De proie littéraire, la jeune étudiante de vingt-trois ans, provinciale fraîchement arrivée à Paris, risque de devenir chasseresse. D'ailleurs, c'est elle qui parle. D'elle-même, de son corps, de l'écrivain, de ses amies, des hommes. Avec une ironie cruelle, et sans fard.
Anaïs Nin est née en 1903 en France. C'est son père, déçu d'avoir une fille, qui a choisi ce prénom aux sonorités ambiguës. Pianiste esthète et pervers, Joaquin Nin abandonne sa femme et ses enfants dix ans plus tard. Adolescente hantée par la littérature puis épouse frustrée d'un banquier anglo-saxon, Américaine à Paris et mondaine malgré elle, Anaïs ne connaît qu'une jouissance : écrire. Elle a trente ans, quand elle rencontre Henry Miller. Elle l'aime, le soutient, le finance. Sage et troublante Anaïs ! Fantaisiste et ascète, insaisissable et un rien magicienne... elle attire à elle Artaud, Brassaï, Allendy, Rank, Breton, Durrell.... Anaïs, c'est un Journal. Cinquante ans d'écriture, quarante-cinq mille pages longtemps enfouies dans une cave de Brooklyn. De cette « confession » monumentale Elisabeth Barillé a tiré un portrait romanesque, tissé dans la matière même de son oeuvre, de sa vie.
Entendre, mais d'une seule oreille. Ne pas entendre comme il faudrait, donc, à l'école, en société, chez soi, mais entendre autre chose, souvent, entendre mieux, parfois. Dans ce récit intime, Elisabeth Barillé évoque son handicap invisible, malédiction et trésor, qui l'isole mais lui accorde aussi le droit d'être absente, le droit à la rêverie, au retrait, à la rétention, voire au refus. « Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir tout ce qui fait groupe, la surdité m'a condamnée à l'aventure de la profondeur. » Elle revient sur ce parcours du silence : sa vie d'enfant un peu à part, les refuges inventés, les accidents et les rencontres. De l'imperfection subie au « filon d'or pur », Elisabeth Barillé traverse l'histoire littéraire et musicale, dans une réflexion presque spirituelle.
«Au cours d'un séjour en Inde, j'ai fait la connaissance d'un ancien banquier considéré comme un sage. Chaque jour, dans son appartement de Bombay, le vieil homme dispense son enseignement spirituel à une poignée de visiteurs de tous pays. Chaque séance s'achève ainsi : l'un après l'autre, les visiteurs se prosternent à ses pieds. Je ne peux m'y résoudre. Que cache ce refus ? A-t-il partie prenante avec la peur d'aimer ? Va-t-il chercher plus loin encore, vers la mort ? Je compris vite que je ne pouvais y voir plus clair sans l'écriture. Un récit s'imposait. Le voici.» Élisabeth Barillé.
Parce qu'une statuette signée Modigliani la trouble et qu'elle croit la reconnaitre, Elisabeth Barillé se lance dans une quête fabuleuse. Ce visage énigmatique n'est-il pas celui de la poétesse Anna Akhmatova ? Quel lien unissait le sculpteur à la femme de lettres ? Au fil des voyages et des indices qu'elle cherche avec passion - lettres, poèmes, photographies, dessin au crayon d'Anna par Modigliani - l'auteur rend vie à leur recontre, dans le Paris des grandes crues : 1910.
Comment deux êtres aux destins si remarquables se sont-ils attirés et aimés, au début de leur vie d'artiste ?
Anna, jeune mariée en voyage de noces, s'ennuie déjà de son époux et n'a qu'un rêve : devenir poète. Au même moment, Modigliani arrive d'Italie, il a 26 ans et a décidé de se consacrer corps et âme à la sculpture.
Plus que la restitution d'un amour éphémère, c'est la résurrection de deux figures à l'aube de leur succès que nous offre Elisabeth Barillé. Deux voix s'aimant dans un français malhabile, deux artistes emplis de désir, de belle ambition. Et aussi deux « milieux » en plein essor : le Montparnasse des années 1900 et les poètes russes de « La Tour ».
Je n'avais pas entrepris ce voyage pour apprendre, pour désapprendre au contraire, ou pour me déprendre d'une connaissance rassurante et commode. Oublier l'analyste, la cérébrale, ne plus se protéger derrière les raisonnements, voir, d'abord, frôler, explorer, sentir, flairer les traces, c'était mon vrai but, au fond, oublier l'écrivain, retrouver l'enfant, et gentiment la tuer.
Pourquoi la narratrice de ce livre éprouve-t-elle un jour le besoin d'entreprendre un voyage en Russie ?
Son grand-père maternel en était originaire. C'est aussi là-bas que naquit l'écrivain Lou Andreas-Salomé.
Pendant plusieurs semaines, en suivant les traces de ses deux mentors, la narratrice va explorer le pays quitté par son grand-père en 1919, en pleine tourmente bolchévique.
Inspirée par Lou, elle reprendra une partie du voyage que cette amoureuse de la liberté fit en Russie avec Rilke, de la fastueuse Saint-Pétersbourg, cité des tsars, à Moscou, ville des excès, de la Volga et de ses infinis, jusqu'à Koursk, l'austère gardienne de secrets intimes. Au terme d'une longue enquête, elle dénouera enfin l'écheveau de la légende familiale - une légende russe...
«Je les attends. Ils ne vont plus tarder. Ana et Val. Où sont-ils ? Que font-ils ? Je n'en sais rien et ne veux rien savoir. Tout est possible ; l'amour est là, le grand amour qui permet tout. Je conçois bien que ma sérénité peut paraître inexplicable, voire monstrueuse aux yeux des grands tourmentés, elle n'est que l'envers de ma certitude. Quand Val caresse Ana, c'est moi qu'il touche à travers elle, c'est à moi qu'il donne ce qu'elle croit recevoir.»
Sa réussite fulgurante est partie d'un élan d'amour. En 1909, Jeanne Lanvin, une talentueuse modiste établie à son compte, se lance dans la couture en commençant par habiller sa fille unique, la future Marie-Blanche de Polignac. Saisissant mieux que quiconque le désir des clientes, elle invente une silhouette fluide et gracieuse qui donne aux femmes une allure de jeune fille. D'où de subtiles recherches sur les coloris et les broderies, spécificités de la maison Lanvin. Infatigable voyageuse, esthète et mécène, Jeanne Lanvin trouve son inspiration au bout du monde et dans les musées, offrant à sa mode de fascinantes références culturelles et symboliques. Une attitude qui annonce les inspirations des créateurs d'aujourd'hui.
La naissance, l'histoire, la fabrication du parfum dans ce voyage à la découverte d'un art, d'un métier et d'une industrie aujourd'hui internationale.
Au printemps 1939, Georges Bataille et Michel Leiris décident d'éditer, sous le pseudonyme de Laure, les écrits d'une jeune femme qu'ils ont aimée et qui vient de mourir de la tuberculose. Elle s'appelle Colette Peignot et a connu, selon Bataille, "l'une des existences les plus véhémentes et les plus traversées de conflits qui aient été vécues".
Basile habille les femmes, Domi habille les morts, Ligeia leur parle. Luc le solitaire vit dans un fauteuil depuis plus de trente ans. Basile possède en lui son seul ami véritable, mais Luc rêve de faire la peau à celui qu'il considère comme le meurtrier de Nelly, son unique amour. «La muse absente» de Basile. Supprimer ce couturier qui l'obsède et la ruine, c'est aussi le rêve d'Amélie Dalle, la fashionista graphomane, et, sans doute, le désir inavouable de l'ambitieux Etzo. Le beau Yann, lui, ne rêve que de faire un enfant à Domi, sa compagne, mais depuis que Ligeia a oublié dans son bureau à la morgue un recueil de ses poèmes, Domi la frondeuse rêve de rencontrer Rainer Maria Rilke. Avant sa tumeur au cerveau, Julio Ocampo construisait des maisons. Il ne connaît aucun de ces personnages. Doté de mystérieux pouvoirs, il sait pourtant le sort que l'auteur leur réserve. Julio serait-il un maçon visionnaire, les rêves, les agents doubles de la vie, et la mort, l'agent secret de la mode ?
L'Eau de cologne impériale, Jicky, L'Heure bleue, Mitsvuko, Shalimar : ces immortels classiques du cinquième sens jalonnent l'histoire exceptionnelle de la maison Guerlain. Dès sa fondation, en 1828, ces compositions subtiles, affranchies du simple mimétisme floral, évoquent une atmosphère mêlant romantisme et mystère et s'attirent une clientèle prestigieuse de têtes couronnées et d'esthètes. Au toumant du siècle, Aimé Guerlain, père de Jicky, formule la fameuse Guerlinade, alliance veloutée et capiteuse de rose, de jasmin, de vanille et de fève tonka, véritable sceau sensuel de toutes les créations, jusqu'aux plus récentes. Une note troublante où s'incament l'esprit d'un grand parfumeur et sa légende.
" Ce que m'offre mon canal - j'y habite, c'est le mien suffit à mes bonheurs du jour.
L'arche sombre d'un pont jugenstijl. Les frondaisons d'un saule aux branches souples comme des fleurets. L'accent aigu d'un héron perché sur le moteur Mercury d'un Zodiac amarré derrière un tjalk luisant de goudron. Que de bateaux ! Que de voiles ! Que d'appels à lever l'ancre ! Calmons-nous, ceci n'est qu'un jeu, un jeu de piste dans cette ville plus troublante qu'aucune autre, cette ville de mirages, de vertiges, où j'ai commencé par me perdre pour mieux me retrouver...
" Amsterdam d'hier et d'aujourd'hui dévoilée dans des aspects parfois déconcertants par un écrivain qui, par amour, a quitté les bords de la Seine pour les rives de l'Amstel. Une promenade sentimentale ? Sans doute, mais pas à l'eau de rose puisqu'on y chemine en compagnie d'Etty Illesum et de Descartes, de Chet Baker et du marquis de Sade. Un récit surprenant, allègre et libre.
De son grand-père maternel, georges théodorovitch sapounoff, né en 1899 à koursk, elisabeth barillé ne conserve qu'une photo prise devant la datcha familiale bien avant la révolution de 1917.
Mais les souvenirs les plus vivaces n'ont pas forcément besoin de repères tangibles. quand il s'agit de la mémoire, " les odeurs sont le plus sûr chemin du passé vers le coeur ". celles-ci s'échappent d'une petite cuisine donnant sur un rosier. georges se tient aux commandes d'une arthur martin à trois feux. ustensiles modestes mais alchimies somptueuses qui mêlent les saveurs natales aux épices des pays traversés durant l'exil.
A chaque mets, un personnage, de grounia la lilliputienne à la princesse galitzine, ainsi qu'anecdotes retraçant avec infiniment d'humour le passé gourmand d'une enfance franco-russe dans les années 70. une joyeuse nostalgie.
Lou Andreas-Salomé (1861-1937) a laissé une oeuvre inclassable, d'une extrême diversité : littérature et philosophie, psychanalyse et théologie, histoires pour enfants et poèmes, correspondance et journaux. Au-delà de cette multiplicité, une unité forte rassemble son travail et son inspiration : la quête d'une plénitude spirituelle, comme en témoignent les textes réunis dans ce volume. « Notre première expérience est celle d'une disparition, écrit-elle. [...] Le premier souvenir est à la fois un choc, une déception due à la perte de ce qui n'est plus, et l'élément indéfinissable d'un savoir encore à l'oeuvre, d'une certitude que cela devrait exister encore... » Jamais cette quête n'enleva à Lou son caractère profondément rebelle, mais elle la distingua : dans les combats qu'elle mena (le féminisme), les analyses qu'elle conduisit (psychanalyse), les visions qu'elle développa (sur les sources de l'art), et les liens qu'elle partagea (avec Nietzsche et Rilke).