Lorsque, vers le début du IIIè siècle, apparaissent à côté de la triade ministérielle classique (évêque, presbytres et diacres) les fonctions de lecteur et de sous-diacre, on pourrait croire que l´essentiel de la structure hiérarchique de l´Eglise est désormais constitué. Pourtant, la naissance de fonctions inférieures n´est que la première des étapes qui mènera l´organisation ecclésiale vers la formation d´une hiérarchie où les notions de cursus, de grades et de mérites joueront un rôle prépondérant, où le clergé concentrera en lui toutes les perfections et tous les pouvoirs relatifs à la vie de foi.
Une enquête aussi systématique sur les mécanismes historiques et psychosociologiques qui ont abouti à la hiérarchisation des fonctions et à l´établissement d´un état de cléricature de plus en plus séparé d´un laïcat n´avait jamais été menée avec une telle ampleur. Le lecteur se trouve devant un dossier complet et bien documenté ; il peut aborder la question en possession de toutes les données du problème. Les sources sont présentées et commentées avec beaucoup de rigueur.
L´analyse ne laisse aucun détail dans l´ombre et cherche avec une grande honnêteté scientifique à rendre compte des moindres obscurités. Les conclusions permettent d´avoir une vision renouvelée de ces fonctions ecclésiales que l'on appellera « ordres mineurs » et de voir comment se trace de plus en plus fermement la frontière entre les laïcs et le clergé et, à l´intérieur du clergé, entre les « ordres mineurs » et les « ordres majeurs ». Il faut suivre dans le détail les glissements survenus dans la société ecclésiale, du charisme au service, de la délégation de services à la substitution des fonctions, de la fonction à l´état clérical, pour découvrir comment l´on en est arrivé à l´idée d´un cursus dans lequel la fonction supérieure est la somme de toutes les autres.
Cet ouvrage ne se limite pas à chercher quels sont les contours, les frontières et l´évolution des différents groupes composant l´organisation ecclésiastique, il nous conduit également - et ce n´est pas un des aspects les moins intéressants de ce livre - à nous interroger sur les fondements historiques et théologiques de la distinction clerc/laïc au sein du peuple de Dieu.
Comment s'est construite l'identité sociale du christianisme ? Comment se sont organisés, à l'intérieur des groupes chrétiens, les rôles, les fonctions, les statuts, les états de vie ? Comment s'est différenciée la place des hommes et des femmes dans les communautés chrétiennes ? Comment les acteurs du champ religieux chrétien ont-ils pensé et modelé les structures ecclésiales ? Autant de questions qui se sont posées aux premiers siècles, dès les premières générations de disciples de Jésus, et qui éclairent les débats d'aujourd'hui.
Autant de questions qu'Alexandre Faivre, l'un des meilleurs connaisseurs de l'histoire des institutions paléochrétiennes, a travaillées durant plus de quarante ans d'enseignement à la faculté de théologie catholique de l'université de Strasbourg. Ses nombreuses publications, rédigées pour la plupart avec son épouse Cécile Faivre, ont souvent sus-cité le débat, tout en marquant d'importantes avancées dans les recherches sur l'organisation des communautés chrétiennes.
Dans ce volume sont regroupées un certain nombre de ses études les plus récentes touchant à la construction des deux " marqueurs " principaux de l'identité des disciples de Jésus : " chrétiens " et " Eglises ". L'ouvrage permet d'aborder la question de l'identité chrétienne sous plusieurs aspects : identités individuelles, lorsque des disciples de Jésus, juifs, hellénistes ou même sympathisants païens, se distinguèrent et s'acceptèrent comme christianoi ; identité collective, lorsque leurs assemblées se spécifièrent comme ekklèsia tou Christou, lorsque les fidèles du Christ prirent conscience de former une multitude, plèthos, et que le " nous " ainsi dégagé en vint à revendiquer le titre de " peuple particulier de Dieu " dévolu par le Deutéronome au peuple juif ; identité institutionnelle, lorsqu'au sein des groupes les acteurs du champ religieux structurèrent fonctions et symboles, assignant aux ministres des places particulières, majorant le symbolisme féminin au détriment de la part active que les femmes auraient pu prendre dans la vie communautaire, opposant " clercs " et " laïcs " et se réappropriant les catégories lévitiques et sacerdotales pour mieux sacraliser les fonctions liturgiques.