Rien n'est jamais simple, surtout pas ce plaidoyer "musical" pour la révolution bolchévique : car s'y joignent l'acte politique, toujours problématique, de l'intellectuel prenant fait et cause au coeur de la tourmente, et la découverte autant que le voeu d'une esthétique nouvelle dont la révolution jette aveuglément les principes. Peu importe que ce soit par le fer et le feu, ou même faut-il qu'il en soit ainsi, comme dans les grands moments mythiques des origines, pour qu'apparaisse un monde qui "sonne" autrement. Il y a dans le mouvement destructeur de la révolution une force créatrice implacable et capable d'opérer, selon l'expression de Nietzsche, dont Blok paraît ici parfois très proche, la "transmutation des valeurs" : c'est à cela qu'aspirent ces pages d'une langue vive et libre, qu'on peut lire aussi comme le meilleur commentaire qui soit du grand poême Les douze.
franz hellens et marie miloslawskv firent paraître en 19261a première, et unique, traduction française du pougatchev d'essénine, reprise depuis par divers éditeurs.
sans doute les difficultés propres à ce texte au rythme savamment travaillé, oú les niveaux de langues s'entremêlent dans un tissage poétique virtuose, ont-elles représenté un obstacle jugé infranchissable à une nouvelle transposition en français. et pourtant, selon l'expression de trotski, qui estimait et protégeait essénine, pougatchev "est essénine de la tête aux pieds"; toute sa poétique y est convoquée et le drame psychologique qui émonde octobre autant que la révolution puise aussi bien aux sources littéraires qu'aux traditions populaires et à cette extraordinaire sensibilité aux choses de la nature qui traverse et nourrit toute l'oeuvre du poète.
la présente traduction a su concilier avec bonheur la très grande fidélité au propos d'essénine et l'exigence rythmique sans laquelle le texte ne saurait tenir c'était une gageure ; c'est aussi, pour les lecteurs d'essénine. un événement.